Interview de Wang Xiaoshuai

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Par Super Seven

le 21/02/2024
Photo de Wang Xiaoshuai

Wang Xiaoshuai

A l'occasion de la 74e Berlinale, nous avons rencontré Wang Xiaoshuai pour parler d'"Above the Dust", marquant son retour 5 ans après "So long, my son".

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Vous racontez l’histoire d’un garçon qui découvre l’histoire de sa famille et de son pays, non pas via l’école ou via ses parents, mais en explorant ses propres rêves. Comment en êtes-vous arrivé à cette modalité de narration ?

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Je voulais aborder la réforme agraire chinoise, mais c’était très compliqué de trouver un point d’entrée. Il se trouve qu’en Chine, cette histoire n’est pas enseignée à l’école, elle ne se trouve pas dans des livres à disposition du public. Et même si c’était le cas, même si on la trouvait dans les livres d’histoires, je voulais l’incorporer dans une histoire familiale. En l’occurrence, en Chine il y a de moins en moins de gens encore en vie pour raconter ces histoires oralement, et les faire passer d’une génération à l’autre. C’est un savoir qui se perd. Le gouvernement refuse de perpétuer ce qu’il appelle des « mauvais souvenirs », mais je ne suis pas d’accord. Tout cela reste partie intégrante de notre histoire, que ce soit glorieux ou non, et mérite d’être raconté.

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Cela vous permet d’explorer un terrain esthétique, visuel, qui ressemble peu à vos précédents films.

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Depuis longtemps, et en partie après "So long my son", je me dis que je devrais prendre plus de libertés dans mon approche stylistique et dans ma méthode. Et j’étais heureux car cette idée me permettait de le faire. Cette histoire était particulièrement adaptée, car le rêve est un instrument qui me permet de passer librement du réel à la fiction. Et j’ai dû concevoir beaucoup d’effets pour qu’on ne se sente jamais totalement dans l’un ou l’autre, toujours en trajet entre l’un et l’autre. Donc ça m’a permis de produire des choses tout à fait inédites pour moi.

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Vous réussissez sur un terrain particulier : reproduire parfaitement le regard de l’enfance, sa naïveté et sa curiosité, le fait de ne pas toujours tout comprendre. Comment l’avez-vous abordé, notamment avec votre jeune acteur ?

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D’abord j’ai voulu faire le casting dans la province où l’on a tourné. Quand on est arrivé, on a trouvé. On a projeté un film et des enfants sont venus. Ils n’étaient pas allés au cinéma une seule fois dans leur vie mais ils étaient si naturels ! Ça n’arrive pas toujours avec les castings sauvages, nous avons été très chanceux. En voyant leurs essais, nous les adultes, nous étions estomaqués, nous ne pensions pas que c’était possible. Mais c’est aussi parce qu’on les a mis dans un environnement qui état naturel pour eux. Si on leur disait de faire une action, ils le faisaient comme ils l’auraient fait dans vie, on capturait des instants qui arrivaient naturellement, rien n’était forcé. Cet enfant, Ouyang Wenxin, qui joue le rôle de Wo Tu, était particulièrement à l’aise et on n’avait aucun doute quant à sa capacité à endosser ce rôle. Mais il était encore mieux que ce à quoi on s’attendait ! Il est si talentueux, c’est dommage qu’il ne puisse pas venir avec nous à Berlin.

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C’est un voyage assez passionnant pour le spectateur, puisqu’on met du temps à comprendre la temporalité, quand et où se situe l’intrigue, ce que va aborder le film, et à la fin, toutes les thématiques se rejoignent. Comment avez-vous conçu ce chemin de compréhension ?

Photo de Wang Xiaoshuai

Le repère temporel du film, c’est l’époque du plan de relogement urbain, où ont été construits de nouveaux villages, à savoir autour de 2009. C’était le point de départ. Mais ensuite, tout devient très onirique et il fallait se plonger dans l’histoire, ce qui était un peu risqué : dans quelle mesure faut-il être explicite ? Comment doser ce que le spectateur sait ou non ? Mais je n’allais pas m’arrêter là, il fallait raconter cette histoire telle que, si un spectateur en sait plus que moi sur le sujet, il peut s’emparer de toutes les références et tirer sa propre réflexion. Et au contraire, un spectateur qui n’en connaît rien ne pourra pas tout attraper mais peut s’ouvrir à cette histoire. C’est une expérience différente pour chaque type de public. Ce matin, le film a été montré à des enfants et leurs parents : bien sûr les adultes situent beaucoup plus précisément de quoi il s’agit, mais les enfants le reçoivent avec une certaine fraîcheur aussi. C’est aussi le cas en Chine, puisque les jeunes ne connaissent pas cette partie de l’histoire, donc ça ne fait pas tant de différence avec le public étranger.

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Propos recueillis par Victor Lepesant le 18 février 2024