Par Super Seven
Alors que le second opus de "Balle Perdue" déboule sur Netflix, retour sur le premier film à travers un entretien réalisé en 2020 à l'occasion de sa sortie dans un contexte de pandémie.
On retrouve dans ton film un ballet des corps et des véhicules, ainsi qu’un certain sens du détail autour des mouvements que tu cadres. On sent que tu essaies de retrouver une sorte de cinéma d'action « à l'ancienne ». C'est quelque chose qu'on pouvait déjà observer sur tes précédents travaux. Quelles sont les influences qui ont pavé cette direction ?
C'est vrai que les courts métrages, mon parcours de réalisateur autodidacte, sans moyens, mais qui a envie de faire des choses spectaculaires d'action, tout ça m'a canalisé dans ce truc là. En gros, le fait de travailler avec une seule caméra et de faire des courts métrages d'action, ça oblige à tout faire en dur, de manière artisanale, de tricher beaucoup, de toujours être dans une sorte d'urgence pour qu'on s'ennuie pas et pour qu'on puisse mettre un maximum de choses à l'écran, je pense que ça vient de là.
A l'époque, les plus grosses influences que j'avais étaient la série "The Shield", qui était une série prise sur le vif, et "La Mort dans la peau" (ndlr: le 2ème volet de la saga "Jason Bourne"). Moi j'ai toujours aimé filmer comme ça mais, tout à coup, on avait au cinéma et à la télé des partis pris de réalisation très organiques, qui me parlent et qui légitimaient ceux que j'utilisais justement. Malgré mon caméscope moisi, je pouvais filmer à l’instinct, me débrouiller au montage. Toute cette énergie a résonné en moi et m'a conforté dans le fait de continuer comme ça.
Le fait que Greengrass ou les réalisateurs de "The Shield" se permettent de filmer l'action, quelque chose de très nerveux, sur le vif, avec des plans pas sur l'action à certains moments ou autre, c'était génial. Je me retrouvais là dedans en fait. Je me disais « Ce qu'ils font eux, je peux le faire avec mon caméscope en fait. »
Tu as livré un film d'action, ce qui n'est pas le genre le plus représentatif du cinéma français. Est-ce que tu cherches à faire un cinéma à l'Américaine, comme Luc Besson, à la française ou bien tu t'en fiches et tu veux juste faire le cinéma qui te ressemble ?
Je pense que je suis un peu une somme de tout ça. Je suis très attaché au cinéma français et en même temps j'ai beaucoup d'influences américaines et asiatiques. Donc je suis la somme de tous les films que j'aime, sans me demander s’ils sont français ou pas. Finalement, je fais une tambouille bien à moi, sans essayer de copier qui que ce soit.
C'est vrai qu'à l'époque d'Europa[corp], au début des années 2000, tout ce qu'il y a eu comme films d'action après "Matrix" par exemple, bah c'était pas mal. Ça donnait l'impression que la France pouvait aussi compter dans ce type de productions. Et j'aimerais beaucoup qu'on continue de développer ça en France, parce qu'on a les meilleurs techniciens pour ça.
Le film est actuellement disponible sur Netflix. Est-ce que ton choix de privilégier la plateforme a un rapport avec le blocage des sorties actuelles vu le contexte sanitaire qu'offre le COVID-19, ou bien tu n'avais pas foi en les sociétés de distribution pour garantir la bonne visibilité de ton film
Le film s'est monté financièrement avec Netflix bien avant le COVID. De base, je connais un peu le sort des films de genre français. J'avais très très peur que "Balle Perdue" soit mal distribué, dans peu de salles, qu'il ne rencontre pas son public en fait. C'était un peu ma hantise.
Le film plaisait, de toute façon, à des distributeurs, des producteurs français, etc. On sentait une vraie envie autour. Mais Netflix était dans la liste aussi, et moi j'ai demandé à mon producteur (ndlr: Rémi Leautier) qu'on aille les voir le plus tôt possible en fait, parce que j'avais envie que mon film soit vu dans 190 pays d'un coup, qu'il rencontre son public immédiatement. Donc comme je suis pas du tout un fétichiste de la salle et que je suis un très très gros consommateur de streaming, ça me paraissait logique que "Balle Perdue" finisse sur une plateforme en fait, et si possible Netflix. Ce n'est donc pas un choix par défaut. J'avais vraiment envie de travailler avec eux, et je pense d'ailleurs qu'il y a beaucoup de réalisateurs, d'auteurs, et de producteurs aussi, qui en font maintenant leur choix privilégié, pour certains types de films.
C'est donc ton premier long métrage. Ce qui implique plus de collaborateurs, d'intermédiaires. Est-ce que tu as ressenti une pression, ou du moins est-ce que tu t'es vu adapter ta méthode de travail habituelle, voire l'améliorer pour gagner en efficacité ?
En fait au niveau pression, c'est quasiment la même chose que pour un court métrage. Même si c'est un long, qui a plus de budget et plus de temps de tournage, pour moi le facteur temps/argent m'a semblé presque équivalent : on travaillait dans l 'urgence, on savait que c'était intense, on savait qu'on avait pas spécialement de temps à perdre. Je savais que ce que j'avais écrit et décidé de tourner ne déborderait pas du planning de tournage. Du coup je me suis retrouvé dans la même énergie qu'un court métrage en fait ; puisqu'on faisait déjà des choses ambitieuses, on se battait contre le temps, l'argent et tout. Enfin, on se battait pas vraiment, mais on acceptait le fait que ça faisait partie du deal.
Et pour le long métrage ça a été la même chose : on mettait tout l'argent à l'écran. On a des ambitions démesurées forcément par rapport à l'économie du film. Quand je dis « on », je parle de mon producteur, Rémi, et moi. C'est vrai qu'on travaille ensemble depuis des années et pour passer au long, on savait qu'on travaillerait dans le même type de configuration. Évidemment, ça permet de s'entourer de plus de gens talentueux sur un long métrage, d'avoir une vraie équipe, d'avoir plus de monde. On a des comédiens très investis que tout le monde connaît, etc. C'est ça qui change en fait : il y a plus de rapport humains, plus de monde. Mais au niveau fabrication pure, c'est quasiment la même chose. Ça reste de l'artisanat.
On peut d’ailleurs avoir l'impression que ça te stimule, le fait de travailler dans l'urgence.
Oui, c'est très stimulant. J'ai un peu l'impression que les journées où on était dans l'urgence, dans le manque de temps, ont donné les scènes les plus simples à monter mais aussi les plus intéressantes. J'aime bien travailler sous pression, m'adapter au dernier moment. Ne pas être dans le confort en tout cas.
Tu aurais un exemple de l'une de ces scènes que tu trouves le plus efficace dans le film ?
Honnêtement, ça concerne moins les scènes d'action que celles d'ambiance, de jeu et tout. Il y a des séquences vers la fin du film où on est dans une ferme. C'est un moment qui dure assez longtemps dans le récit. Il y a plein de scènes en continu dans la diégèse, mais qui sont ramassées sur une seule journée en termes de tournage. C'est à dire que du moment où Lino et Quentin (ndlr: respectivement incarnés par Alban Lenoir et Rod Paradot) arrivent à la ferme, tout ce qui s'en suit, soit la mort de Quentin, Lino qui trouve la voiture sous le tas de fumier, le coup de fil à Areski ou encore le moment où Lino va fabriquer les harpons, tout ça est filmé en une seule journée, une grosse journée d'ailleurs.
C’était en fin de tournage et nous n’avions plus beaucoup de temps. D'ailleurs, c’était une journée où on était dans le pic caniculaire et on était vraiment dans la région où il faisait 46°C. On filmait en extérieur et Alban avait une gastro ce jour-là, donc il était vraiment HS. En plus, il avait sa veste qui est lourde, donc il ressentait encore plus la chaleur. C'est typiquement une journée où on se dit : « Il vaut mieux se mettre en sinistre, et on le fait pas », mais on l'a fait quand même et on a rentré toutes les minutes utiles d'un seul coup (ndlr : pour rappel, dans le cinéma, une journée de tournage de 7h donne en moyenne 3 minutes d'images dites utiles – soit exploitables à l'écran – par jour). Donc travailler dans l'urgence, ça permet aussi de donner un cadre, et de se recentrer sur les choses importantes. Là, c'était quasiment du tourné/monté, et ça a marché. La monteuse était ravie aussi, et j'aime beaucoup cette partie là du film.
Pour ton prochain film, tu te vois aller vers quel côté ? On peut avoir l'impression que ton évolution logique serait que tu fasses ton propre "Rio Bravo", comme a pu le faire John Carpenter avec "Assaut", Florent Emilio Seri avec son "Nid de guêpes" ou encore Jean-François Richet, de manière un peu moins heureuse, avec son remake de "Assaut".
J'aime le cinéma d'action, mais j'aime avant tout le cinéma d'aventure généreux, spectaculaire qui propose des défis un peu techniques. J'ai l'ambition d'en mettre plein la vue. Moi, à terme, j'aimerais énormément faire un film de science-fiction. Alors bien sûr c'est pas les mêmes budgets, et je suis justement le genre de réalisateur qui pense beaucoup à l'économie dans laquelle il évolue. Là, par exemple, je sais faire de l'action avec pas grand-chose mais j'espère que plus tard j'aurais des budgets plus importants, et que je pourrais faire mon "Star Wars" si possible. Évidemment, ça c'est un rêve, mais c'est encore autre chose. Du coup, je pense que je vais continuer dans l'action, dans ce côté un peu blockbuster. J’aimerais vraiment qu'on ait des blockbusters en France qui ne soient pas des comédies. J'aimerais vraiment des trucs populaires d'action, tout simplement, et en mode premier degré bien sûr.
Oui, donc revenir à quelque chose qu'on avait tout simplement déjà avec Jean-Paul Belmondo ou Alain Delon dans les années 70 – 80. On peut penser notamment au "Marginal" de Jacques Deray avec une super scène de course poursuite en voiture qui se finit avec une volée de voitures fracassées.
Bien sûr, voilà. On a perdu ça tout d'un coup, et tous ces techniciens sont partis former des gens aux États-Unis. On a perdu ce petit pan de notre patrimoine. Dans les années 70, il y avait des films que je considère comme des chef d’œuvres, comme "Le vieux fusil" ou "La Horse" avec Jean Gabin. Il y a des films comme ça qui, aujourd'hui, seraient considérés comme des OVNIs alors qu’à l'époque c'était un peu la norme, c'était monnaie courante.
Oui, quand tu vois Belmondo qui faisait ses propres cascades, tu te dis qu'il fait ça 30-40 ans avant Tom Cruise finalement. Ce qui est justement prisé de nos jours.
C'est ça. Il y a eu Buster Keaton aux States, Belmondo qui peut s'inspirer de lui et qui fait ça en France puis Tom Cruise qui s'inspire de Buster Keaton et de Belmondo. Il y a une sorte de vase communiquant qui fait qu’il n’y a pas le cinéma américain d'un côté et le cinéma français de l'autre. Les américains ont compris ça et se nourrissent un peu de tout ce qui marche dans les autres pays et ils construisent autour de ça. Tandis que nous on a abandonné un peu tout ça en terme d'action. Elle est plutôt au service de comédies. Ça fait déjà quelques dizaines d'années que c’est comme ça quand même.
D'ailleurs, c'est une bonne transition, parce que je me demandais si tu trouvais que le cinéma français subissait une sorte d'uniformisation. Est-ce que pour toi Netflix pourrait être, non pas une alternative, mais un stimuli pour le cinéma français ?
Alors, moi je sais pas s’il est si uniformisé. On a quand même pas mal de films exceptionnels en France. Il faut juste être suffisamment curieux pour aller vers ces films-là, mais il y a plein de propositions qui sont assez fantastiques. Par contre c'est un peu biaisé dans le sens où les films à gros budget vont être uniquement des comédies avec un casting qu'on a déjà vu cent fois dans d'autres films, tandis que tous les autres films vont être dans une économie bien moindre, et plus disparate entre les gens. Je ne sais pas si Netflix va changer ça. En tout cas, ils ont le pouvoir de réinvestir dans ce qu'on appelle les « films du milieu ». Ce sont ces films qui ont besoin d'un budget un peu bâtard. C'est à dire qu'en France on est un peu entre deux eaux : soit on fait un film à 2 millions et demi, soit on fait directement des films à 8 ou 10 millions qui sont considérés comme des gros films, et souvent des comédies, parce qu'elles sont rentables, etc.
Netflix peut aider ces films du milieu à exister. Par exemple, Netflix a récemment soutenu "Marianne", qui est une série horrifique. Ce n'est pas quelque chose que j'aurais pensé voir se faire en France. Mais ça s'est fait, et avec beaucoup de talent. Donc je pense vraiment que Netflix n'est pas une alternative pour les productions françaises, plutôt un bon complément.
Ça fait quelques fois maintenant depuis le début de cette interview qu'on évoque Rémi Leautier, qui est ton producteur. Vous avez fait vos début ensemble, et on sent que vous fonctionnez comme un duo. Est-ce que tu peux nous parler de votre collaboration et son évolution depuis vos débuts ?
Le duo qu'on forme n'a jamais changé. A la limite on a chacun évolué dans nos compétences respectives. C'est à dire qu'il s'est vraiment plongé dans la production, et moi je me suis vraiment plongé dans l'écriture et la réalisation. Et finalement c'est encore mieux, ça nous rend vraiment complémentaire, et il est vraiment mon allié derrière la caméra. C'est quelqu'un qui me fait confiance et à qui je fais extrêmement confiance aussi.
C'est un rapport privilégié, peu de réalisateurs ont ce type de rapport avec leur producteur, alors que je trouve que c'est quelque chose qui est essentiel. Et c'est grâce à ça que "Balle Perdue" s'est fait dans les bonnes conditions. Si le producteur ne s'entend pas bien avec le réalisateur, ça peut donner une catastrophe industrielle. Sinon dans l'évolution de notre relation, je ne vois pas de différences, mais c'est aussi parce que je le côtoie tous les jours.
Si j'en crois une interview qui date de la sortie de "Surrender" vous faisiez vos études ensemble en même temps que vous prépariez ce court. C'est même Rémi qui repérait les décors, les voitures que vous alliez fracasser par la suite...
C'est ça. C'est Rémi qui s'occupait de toute la partie logistique sur les courts métrages et qui allait négocier pour les voitures, pour bloquer des routes etc. C'est quelqu'un qui peut aller négocier des voitures chez un concessionnaire auto et qui peut aussi aller parler à Netflix. Il peut parler à tout le monde, ce qui en fait un producteur de terrain assez fantastique. C'est un véritable couteau- suisse : il est là sur le tournage tous les jours donc il a une double casquette. Il est le producteur au sens large, mais il est aussi très concentré sur l'artistique et il s'arrange pour que j'ai tout à disposition pour faire quelque chose de bien.
Par contre on n'a pas fait nos études ensemble. Il était mon acteur principal sur ce court. Mais c'est vrai qu'on se connaît depuis qu'on est vraiment tout petit. Je le connais depuis plus longtemps que mon frère dis-toi. On était voisins, on a grandi ensemble, et par la suite on a commencé à faire des courts métrages ensemble, directement. C'est mon acteur principal depuis le tout début, donc a fait sept ou huit courts ensemble avant de passer sur "Balle Perdue".
Pour rester dans le domaine de la collaboration, on peut voir dès le générique que le scénario est signé par toi, Alban Lenoir et Kamel Guemra. Comment est-ce que chacun a pu s'insérer pour contribuer à l'élaboration du scénario ?
La collaboration n'a pas marché dans un schéma où on se pourrait se demander « qui va apporter quoi ? ». L'idée c'était plutôt d'être en symbiose, d'avoir la même vision artistique, et que chaque idée que je proposais puisse résonner chez mes collaborateurs, que ce soit mon producteur ou bien encore Alban. Alban est quelqu'un de très très impliqué de nature, et on partage la même vision de ce que doit être un film d'action. Comme il remplace Rémi devant la caméra, il me fallait un véritable allié. Donc je voulais absolument qu'on soit au diapason tous les deux, et je l'ai naturellement impliqué dans l'écriture. Je voulais que toutes les scènes résonnent en lui, et qu'il puisse aussi apposer sa patte sur le film. C'est pour ça que c'est le film d'un trio finalement, entre Rémi, Alban et moi. On avançait ensemble, on faisait front. C'est quelque chose qui est inestimable pour moi, c'est le genre de symbiose que j'aime retrouver dans le travail. Il était hors de question pour moi de considérer Alban « juste » comme un acteur. Il fallait que ce soit mon allié et mon partenaire. Si on était dans une voiture, Rémi serait le pare-chocs arrière, moi je serais au volant, et Alban serait le pare-chocs avant et puis on n'a plus de freins et on avance, on fonce.
Comment s'est fait le casting ? Par exemple, on avait déjà pu voir Alban Lenoir œuvrer dans le film de genre comme "Goal of the dead", mais Stéfi Celma et Ramzy Bédia sont des comédiens que l'on n'imaginait pas forcément – et à tort – dans un film d'action premier degré. Qui a eu l'idée de les démarcher ?
Déjà, c'était important pour moi que ce soit des gens qui aient envie de travailler avec Alban. C'est lui qui a proposé Stefi Celma et Rod Paradot, pour ne citer qu'eux. Il avait déjà travaillé avec Rod sur un court métrage, et avec Stéfi sur "Antigang" (ndlr: film de Benjamin Rocher sorti en 2015). Quand j'écris, je ne pense pas au casting, je suis très extérieur à « qui pourrait interpréter quel rôle ». Donc, quand se pose la question de choisir les acteurs, j'ai besoin de travailler par recommandations, et sentir que les gens qu'on va me proposer ont déjà un peu tous travaillé ensemble, se connaissent, qu'ils aient une bonne mentalité, une force de travail, ... De plus l'aspect « famille » est très important pour moi, donc j'ai écouté les recommandations d'Alban.
Moi par exemple, je voulais Ramzy dans le film. C'est Alban qui l'a contacté puisqu'il le connaissait. Ramzy avait envie de travailler avec Alban, mais il avait aussi énormément envie de faire un film d'action sérieux, donc il n'a pas du tout été dur à convaincre. Pour Nicolas Duvauchelle, ça a été un peu la même chose d'ailleurs. Pour Sébastien Lalanne et Emmanuel Lanzi (ndlr : Régleur action et chorégraphe de combat sur le film), et d'autres personnes de l'équipe techniques, elles font partie des rencontres que j'ai faites sur Paris, bien avant le film. On s'apprécie parce qu'on parle le même langage en termes de film d'action. Donc on avait prévu de travailler ensemble un jour. C'est d'ailleurs ce qui m'est arrivé avec Alban. Je le connais depuis 2009. Il m'avait contacté sur Myspace suite à "Surrender". Quand je suis arrivé à Paris, c'est une des premières personnes que j'ai rencontrée, et de suite on a accroché. J'aime l'idée de travailler avec mes amis, plutôt que de travailler juste avec des collègues. C'est important pour moi ce côté « films de potes ».
On sait que ça fait longtemps que tu attendais de réaliser ton premier long métrage. Qu'est-ce que tu retires de cette expérience ? Est-ce que ça va impacter ta méthode de travail sur les prochains projets ?
Je pense que ce qui a été le plus formateur pour moi, ça a été toutes ces années d'écriture finalement, le fait de rencontrer tout le milieu du cinéma, toute cette industrie de prod’, de comprendre les visions de chacun et les attentes du Marché. Toute la partie industrie de la profession en fait. Désormais, je sais qui je n'irai plus voir, et surtout comment gagner du temps pendant le développement d'un film.
Sur le prochain projet, je me ferais un peu plus confiance aussi, dès le début. Même si je tiens au scénario de "Balle Perdue", il a mis longtemps à se faire parce qu'il y a eu beaucoup de visions différentes selon les coproducteurs qu'on allait voir. Au final, j'ai fait ma tambouille à moi, mais je peux faire un film encore plus personnel par la suite. Donc oui, je ferai davantage confiance à mon instinct. Avec Rémi on avait une vision. On sentait que le film d'action était fédérateur, pouvait marcher s’il était bien fait et que les gens allaient adorer ça et que ça aurait son petit succès. Et comme là c'est un succès – Netflix a mis le paquet en terme de promo, parce qu'ils sont très fiers du film – j'ai envie de dire : « Mission accomplie ! ».
Du coup pour la suite, ce serait plus l'écriture à améliorer... Les techniques, voilà je les ai. Donc ça ira un peu plus vite. Ça rapporte aussi pas mal d'expérience de plateau. C'est à dire la gestion des gens, de comment s'organisent les journées, l'inertie qu'il peut y avoir au bout de quelques jours. On ne cesse jamais d'apprendre en fait, donc j'ai appris énormément. Il y a plein de choses que je ferais différemment, d'autres que je ferais de la même manière.
On a pu voir passer beaucoup de comparaisons entre ton film et "Taxi" ou encore "Fast and Furious", mais en le voyant on ressent plutôt une filiation avec le premier volet de la saga "Mad Max". Le modèle des véhicules de Gendarmerie qui dans le film s'appellent Interception, leur design, et certaines séquences de poursuite peuvent mettre la puce à l'oreille. C'est un délire de notre part ou on se rapproche de quelque chose ?
Non c'est pas un délire. "Mad Max" est effectivement une influence bien plus forte que ne l'est "Taxi" ou encore "Fast and Furious". J'adore "Fast and Furious", ce n'est pas la question. D'ailleurs, longtemps dans le scénario, les voitures de flics je les avais appelées des Interceptor, même si je pensais que dans le film on ne les nommerait pas forcément. Mais pour moi, Mad Max c'est la base. C'est des épaves retapées et transformées en tank. Ça m'a toujours fasciné, et ça fait partie de ce que j'aime. Donc oui, c'était bien sûr une grosse influence. Par contre je peux comprendre la filiation avec "Taxi" ou "Fast and Furious", puisque c'est ce que vend la bande-annonce. Elle vend un film très fun à base de repris de justice qui devient un peu flic, et ça vend aussi des histoires de mécanos qui font des poursuites, etc. Donc forcément je comprend la filiation, mais "Mad Max" est quand même une influence bien plus importante pour moi.
Propos recueillis par Félicien Hachebé en juillet 2020.