Critique de la série Mon amie Adèle

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Par Super Seven

le 10/03/2021

SuperSeven :

C’est dans l’ombre du mois de février qu’est sorti sans prétention « Behind Her Eyes » (« Mon amie Adèle » en français), enrichissant le catalogue de Netflix d’une nouvelle production anglaise dont l’habillage est trompeur. Vu l’affiche et la police d’écriture on semble loin de ce qui fait le charme si particulier de la comédie britannique, et pourtant… Il suffit d’une ouverture à base de quelques notes de « Never Forget You » de Noisettes ainsi qu’une ambiance légère digne d’un teen movie pour troubler nos attentes initiales. N’était-ce pas écrit « drame » ? Assurément, « Behind Her Eyes » s’apprête à bousculer nos intuitions, mais est-ce pour les bonnes raisons ?

Il faut attendre cette cassure dans le style, qui intervient au refus du baiser après un tête à tête prometteur entre deux des trois têtes d’affiche. L’œuvre crie haut et fort avant même l’apparition de son générique qu’elle est… insaisissable.
Et quel début ! Sans trop comprendre pourquoi, derrière chaque ligne de dialogue se cache un non-dit, témoin d’un passé lourd. Les sourires semblent faux, les compliments détournés et les échanges alambiqués. La curiosité du spectateur est grandissante tant les mystères imprègnent le récit.

La particularité de la série se retrouve dans sa confrontation des genres. Si elle narre les émois d’un couple au bord de la rupture et d’une mère en pleine crise existentielle le jour, elle se transforme en thriller quasi-horrifique une fois la nuit tombée. En partant sur ces bases, psychologie et suspens se mêlent tout en intégrant avec justesse les problématiques engendrées par le somnambulisme, un thème insoupçonné dans une série que l’on pensait purement relationnelle. Ces phases nocturnes sont cauchemardesques, entrant en parfaite contradiction avec la mise en scène des séquences diurnes lumineuses et très classiques. Une fois la pénombre installée, le décor change, l’inquiétude monte, l’ambiance sonore s’enraye et la trame se distord pour offrir à l’observateur une plongée en plein traumatisme, nous renseignant au passage sur les incidences des troubles du sommeil. À première vue, ces scènes semblent sorties de leur contexte mais elles reviennent, à chaque coucher de soleil, comme une routine qui habitue le spectateur progressivement à ce changement perpétuel d’atmosphère. Nous commençons à redouter ces instants, dévorant le récit de jour en appréhendant sa fin.

C’est en suivant ces principes de base que l’on est témoin de ses répercussions directes sur les relations. « Behind Her Eyes » est une série aux attraits profondément psychologiques, sans pour autant présenter un bilan d’évolution pour ses protagonistes. L’œuvre parle avant tout de pulsions incontrôlables, n’attendez donc pas d’y retrouver des changements drastiques de tempérament. Les personnages tirent derrière eux un vécu lourd et luttent tous contre leur passé en subissant leur propre caractère, avec une volonté d’avancer, sans y réussir pour autant ; ceci est merveilleusement illustré à l’écran par le personnage de Rob (Robert Aramayo), vivant par procuration dans la trame d’Adèle. Le récit est profondément humain et prouve, comme dans la réalité, qu’une évolution n’est possible qu’avec le temps, ce que la mini-série ne possède pas par son format ; on espère que Netflix ne signera pas pour une deuxième partie.

Les quatre premiers épisodes sont enthousiasmants et permettent, au travers d’un montage efficace, de s’attacher aux trois têtes d’affiche en leur offrant à chacun une façon différente d’accéder à leur vécu : le flash back pour Alice, le cauchemar pour Louise et l’appréhension pour David. En suivant ces trois pans scénaristiques aux ambitions hétéroclites, le renouvellement est constant.

Le bouquet final consiste quant à lui à « joindre les bouts » mais son climax, se déroulant sur les deux derniers épisodes, se veut alambiqué et laisse perplexe face au manque de confrontation relationnelle à laquelle « Behind Her Eyes » nous avait préparé. Toutefois, il est impossible de vous livrer la nature de cette amère déception sans révéler son pot-aux-roses. Prenez simplement les bases de cette critique comme fondement d’émerveillement face à tant de qualité et comprenez ô combien ce revirement s’avère dévastateur. Le mot est faible pour qualifier l’erreur monumentale dont la série fait preuve pour clore son récit. Les espoirs sont bafoués, le genre est bouleversé et sa fin, pensée comme une conclusion « surprenante », laisse un goût amer en bouche, loin des promesses psychologiques des débuts.

Peut-on alors vous recommander une œuvre qui ne tient pas ses engagements ? Peut-on décemment offrir son approbation pour foncer sur le titre ? Assurément en ce qui concerne son début, encore faudrait-il avoir quelque penchant masochiste pour s’infliger telle douleur en son final.


Leo Augusto Jim Luterbacher

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