Critique du film Watcher

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Par Super Seven

le 27/01/2023

SuperSeven :


Désormais aux commandes du quatrième volet de la saga Fear Street — et ayant failli signer Bodies, Bodies, Bodies sorti plus tôt cette année —, Chloé Okuno a d’abord livré son vrai premier long (après un segment de l’anthologie V/H/S 94) : Watcher. Un véritable film de confinement, non pas, comme on pourrait l’entendre, à enfermer la protagoniste dans un cadre unique mais plutôt inspiré d’une expérience pas si lointaine, qui joue sur des angoisses récentes et universelles : le bruit environnant, les croisements de regards et toute la subjectivité autour des intentions d’autrui.

Watcher s’amuse de la relation observé-observant — que Brian de Palma a, par exemple, beaucoup mis en scène au cours de sa carrière. Collée à son sujet (Julia), la mise en scène joue beaucoup sur/de l’inconnu ; se déroulant en Roumanie, la langue locale n’est jamais sous-titrée, ce qui nous met dans la situation de l’héroïne, seulement comprise lorsqu’elle est en présence de son mari, anglo-roumain. De plus, Okuno joue de la perspective, en forçant la mise au point de sa caméra sur Julia, en jouant sur le hors-champ et en écrasant cette dernière dans l’image à travers des surcadrages, procédé voyeuriste et caractérisant toutefois trop utilisé ici.

Néanmoins, là où Watcher se trouve être le plus efficace, c’est dans son écriture. Malgré quelques poncifs — Julia est prise pour une folle — heureusement peu appuyés, les personnages se distinguent par leur bonne volonté en croyant la jeune femme. Ce n’est qu’au fil du récit — alors que la crédibilité de la menace principale est toujours floue —, que cette confiance en la bonne foi de l’héroïne s’évapore. Tout ce jeu du regard et de la subjectivité quant au voyeurisme s’immisce dans sa psyché et égare le spectateur sur la menace : est-elle évidente, interprétée ou bien complètement fausse ? Bien sûr, Chloé Okuno est consciente qu’elle ne réinvente rien en mettant les deux mains dans un sujet loin d’être inédit, et encore moins dans le genre horrifique, mais l’exécution parfaite et maline de son récit a de quoi surprendre, plaire et faire sursauter. Il est regrettable d’avoir, à l’instar de quelques éléments de mise en scène, une bande originale bien trop présente, peu marquante voire gênante, là où le design sonore — coups de feu, bruits de voisinage et sons ambigus —, lui, est diablement efficace pour faire frissonner dans des moments inattendus.

Maika Monroe, trop absente du cinéma d’horreur depuis It Follows, livre une prestation épatante en Julia — pas forcément évident tant elle est de chaque plan — et caractérise à merveille son personnage, sans jamais rentrer dans le surjeu. Elle est finalement à l’image du film, juste. Watcher redonne des couleurs à une compétition du festival de Gérardmer qui sentait le roussi, et donne espoir d’une suite plus radieuse pour les amateurs de genre qui, pour une fois, ont pu frissonner, non pas de gêne mais d’angoisse pure. Une consolation à la hauteur de l’ironie de cette expérience amusante – et inédite –, puisque la mise en abîme du regard, propre à l’humain dont l’œil se perd en scrutant un parterre d’êtres avant de regarder son voisin spectateur en attente d’une quelconque réaction, n’aura pas la même force lors de la sortie du film, exclusivement en VOD.


Pierre-Alexandre Barillier

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