Critique du film Un beau matin

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Par Super Seven

le 03/08/2022

SuperSeven :


Un beau matin à Cannes, on se lève de bonne heure pour aller voir le dernier Mia Hansen-Love, qui nous avait déjà ravis l’année précédente avec son Bergman Island. Le brin de fatigue est vite effacé par la promesse d’une belle œuvre autobiographique au casting alléchant (Léa Seydoux et Melvil Poupaud en tête d’affiche), et deux heures plus tard les regrets de ne pas avoir profité d’un temps de sommeil supplémentaire ont complètement disparu.

La réalisatrice et scénariste signe en effet avec son huitième long métrage une œuvre des plus sensibles et personnelles, sachant puiser dans ses références parmi les plus grands du cinéma français pour créer une ambiance d’un parfait équilibre entre le chaleureux et le tragique. Ce paradoxe est en fait le coeur du film, puisque Mia Hansen-Love le décrit elle-même comme le choc étrange de quelque chose que l’on perd à mesure que l’on retrouve autre chose. Il est vrai qu’il est curieux de voir la protagoniste s’investir pleinement dans une nouvelle relation charnelle alors qu’elle est en train de perdre contact avec son père, gagné par la démence. Mais c’est là que l’équilibre trouvé dans le ton du récit et le rythme de montage est bluffant. On passe de la légèreté de Rohmer— avec cette liaison extra-conjugale à l’origine hasardeuse, non sans rappeler ses contes moraux – à la pesanteur de Pialat, par les évocations multiples de La gueule ouverte, avec une fluidité étonnante.
La plus grande des mélancolies s’efface au profit du plus précieux des bonheurs auprès d’un être aimé, au travers de cette réflexion intra-personnelle de Hansen-Love sur une période de sa propre vie marquée par la maladie neuro-dégénérative de son père. Il est d’ailleurs habituel chez elle d’observer des personnages très proches de son environnement personnel ; elle dépeignait déjà sa mère dans L’avenir, ou son couple dans le suscité Bergman Island, et cette nouvelle plongée dans son histoire dégage une nouvelle fois une sincérité des plus déstabilisantes.


C’est d’ailleurs cette sincérité évoquée qui rend la réalisation d'Un beau matin bien singulière, au lieu de la limiter à l’héritage qu’elle porte. Un parallèle peut être dressé avec le film de François Ozon, Tout s’est bien passé, sorti l’an dernier. Des questionnements sur la fin de vie, avec la responsabilité des enfants d’une personne âgée en sénescence et l’euthanasie, traversent les deux œuvres. Pourtant, quand chez le second un certain cynisme et pathos perturbent le récit, le premier transpire l’honnêteté et la volonté de relater un vécu intime pour toucher à l’universel.

Bien loin d’un quelconque sarcasme, les personnages sont tous à fleur de peau, retranscrivant parfaitement la rencontre entre l’esprit naturaliste – qui se dégage de la sobre mise en scène et ses couleurs pastels – et des dialogues fort bien écrits, rappelant une nouvelle fois les digressions philosophiques des personnages Rhomériens. Le choix des interprètes n’est d’ailleurs pas anodin, puisque Melvil Poupaud comme Pascal Greggory – figures centrales du récit – sont des têtes que l’on connaît chez Eric Rohmer. Il convient, à ce titre, de rappeler que Mia Hansen-Love a été rédactrice aux cahiers du cinéma, rendant donc presque logique ses sources d’inspiration.
Quant à Léa Seydoux, il est rafraîchissant de la découvrir dans la peau d’une femme « normale » (d’après ses mots). Loin de la sex-symbol ou grande bourgeoise régulièrement retrouvée dans ses rôles, on lui découvre une facette très juste chez cette jeune maman célibataire et désemparée à laquelle on peut facilement s’identifier.

Le récit nous transporte donc par le naturel de ses dialogues, la simplicité de ses décors, de ses cadres, et nous tire ainsi quelques larmes sans même qu’on ne les sente arriver.
Il y a fort à penser qu’ «Un beau matin» bénéficiera d’une bonne distribution en France – Les films du losange sont sur le coup, la confiance est de mise –, d’autant plus qu’il s’est vu couronné du « prix des distributeurs » lors du palmarès de la Quinzaine des Réalisateurs. Il sera alors vivement conseillé de se rendre en salle le 5 octobre pour vous laisser convaincre à votre tour !

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