Par Super Seven
SuperSeven :
Après une année compliquée, les gros blockbusters américains font leur retour dans nos salles obscures et parmi eux, les films de super-héros. Marvel a relancé son MCU avec Black Widow, et DC suit la cadence en proposant The Suicide Squad de James Gunn, reboot aux allures de remake du navet pondu par David Ayer il y a cinq ans. Ironie du sort : Gunn débarque dans ce DCEU chaotique après avoir donné deux films au concurrent en lançant la saga des Gardiens de la galaxie. Sur le papier, il y a de quoi se réjouir tant ces deux propositions précédentes détonent légèrement de l’insignifiance artistique du canon marvellien, et l’univers de l’escouade kamikaze colle bien au côté violent, fun et barré du cinéma de Gunn. Malheureusement, à trop vouloir sortir les flingues, il se tire une balle dans le pied.
The Suicide Squad est un échec. Certes, on y sent la patte de son auteur, qui en met plein la vue et montre qu’il s’amuse comme un foufou avec les cent patates données par la Warner, mais rien ne fonctionne tout à fait. Pire encore, il y a une forme d’hypocrisie qui se dégage du projet. La scène introductive a tout pour réjouir. De l’action décomplexée – découpée à la truelle mais passons –, un cynisme exacerbé et du trash en veux-tu en voilà. On a là la promesse d’un délire presque viscéral où les vilains prennent le contrôle de l’écran et saccagent tout. La promesse d’une forme de subversion, de transgression. Mais tout ceci n’est que fadaise, une vulgaire façade qui tombe rapidement. Le problème réside sûrement dans le positionnement du film. Censé éclipser le gadin qu’a été la version précédente, celui-ci ne cesse de faire écho à ce dernier en voulant se montrer plus malin… avant de sombrer dans les mêmes travers.
Idris Elba a tout du mauvais père dans les premières scènes avec sa fille, contrebalançant ainsi l’image de Will Smith qui se la jouait beaucoup trop « bon papa », mais finalement il change peu à peu à travers sa relation avec Ratcatcher. Cette contrefaçon pathétique de joueuse de flûte de Hamelin est d’ailleurs la carte émotion. Elle raconte son rapport avec son paternel pour attendrir le gros nounours Elba, qui finira par vouloir sauver le monde pour rendre sa fille fière de lui. Elle est pas belle la vie ? Malheureusement, non. Et si vouloir humaniser les anti-héros n’est pas une mauvaise chose, en faire ultimement les parangons de la morale dérange. Le récit s’embourbe dès lors dans son deuxième acte et ses séquences de développement de personnages emmerdantes, jouant encore sur la similarité avec le film d’Ayer ; on pense à la scène du bar évidemment, vaine et désobligeante. L’ennui et l’insignifiance pointent alors avec une question désormais sempiternelle : pourquoi s’infliger ça ?
James Gunn au milieu de tout ça se la joue « p’tit con » et veut impressionner. La mise en scène est clinquante – sans grande pertinence –, les effets de style légion à l’image des panneaux de textes à partir du décor, et il donne de facto une dimension méta à son récit. Là encore, ça coince. La critique s’extasie sur cette nouvelle sortie. Un film qui marquerait un (énième) renouveau d’un genre qui suinte l’essoufflement et la pauvreté artistique. Que nenni ! Gunn, qui n’est pas un tâcheron, a beau enrober son histoire de guignols suicidaires dans du second degré qui a conscience de ce qu’il est, son « produit », car in fine ce n’est tristement pas grand-chose de plus, pue le conformisme et la vanité. Le divertissement promis n’existe que peu quand la mise en scène décalée, et lourdingue, ne donne à voir qu’un concours de blagues dignes d’un PMU et une bande de copains qui sauve le monde alors qu’on n’en demande pas tant. Certaines scènes relèvent le niveau, comme le combat filmé à travers le reflet du casque de John Cena – preuve de l’inventivité que peut avoir Gunn –, ou l’évasion d’Harley Quinn où, enfin, Gunn mêle habilement son amour du pulp à une action élégante et finement découpée. Malheureusement, la plupart des quelques bonnes idées sont gâchées par un mépris de la culture du spectateur comme quand, après un panneau de texte déjà explicite et un jeu avec la caméra éloquent, un personnage clame haut et fort que nous avons affaire à un kaiju avec Starro, grand méchant du film. James Gunn se croit plus malin que tout le monde, mais à trop être dans la démonstration, il fait perdre tout charme, tout intérêt à son film. Dommage car King Shark, lui, donne matière à sourire et même rire avec son absurdité venue d’ailleurs et l’interprétation vocale improbable de Sylvester Stallone.
Alors oui, on peut trouver ça fun, rafraîchissant, mais il faut aussi remettre en question ce que l’on voit. Est-ce que l’engouement autour de The Suicide Squad, à peine plus intéressant que le tout-venant super-héroïque, ne témoigne pas de la médiocrité affolante de ce pan du paysage cinématographique ? Voir quelque chose d’original dans ce Deadpool de groupe qui met en avant un personnage aussi creux et insipide que celui d’Harley Quinn est déprimant, d’autant que ce n’est qu’un prétexte pour voir Margot Robbie cabotiner déplorablement, elle qui a pourtant beaucoup de talent. James Gunn a réussi son pari semble-t-il, mais ne croyons pas qu’il a relevé le niveau d’un genre en perdition : il a simplement fait moins pire que la moyenne. Si certains voient là une bouffée d’air frais, autant mourir de manque d’oxygène que de se farcir encore de telles œuvres.
Elie Bartin