Critique du film The Love Witch

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Par Super Seven

le 18/08/2022

SuperSeven :


Depuis que la folie post-moderne s'est emparée de nos salles de cinéma, il n'est pas inhabituel de voir surgir des œuvres cherchant à revisiter certains pans du cinéma, voire carrément des films pour les plus audacieux, afin de parler de notre époque actuelle et de ses changements ; The Love Witch fait indubitablement partie de celles-ci. Trop rarement pour le meilleur, trop souvent pour le pire.

Monteuse, compositrice, décoratrice, costumière, scénariste, productrice, réalisatrice. Les nombreuses casquettes d'Anna Biller sur The Love Witch la raccroche à la branche des cinéastes multi taches dont John Carpenter est le chef de file.
En tricotant un film autour d'une sorcière (ou plutôt d'une femme atteinte d'un trouble de la personnalité borderline s'imaginant en sorcière) cherchant l'amour après une relation passée destructrice, elle développe une mise en scène aux accents vintage rendant hommage aux giallos ainsi qu'à l'imagerie fantastique des années 60 ; même si un certain pragmatisme nous amènerait à penser que de toute cette période, la réalisatrice ne se sera arrêtée que sur Toutes les couleurs du vice de Sergio Martino, sans même garder les morceaux rigolos comme la musique de Bruno Nicolai, ou encore les emprunts au Rosemary's Baby de Roman Polanski.
Si l'on peut être agréablement impressionné par ses efforts pour retrouver l'ambiance esthétique des films de l'époque – ainsi que leur design sonore –, le résultat final est bien loin de ses modèles. En effet, passée une exposition assez laborieuse, le récit semble tourner un peu à vide, faisant état d'un concept dépassé par une ambition que Biller ne peut combler, faute de moyens, ignorant ainsi superbement le conseil primordial que Top Gun s'efforce de donner depuis 1986: "Pas la peine de signer le chèque si t'as pas le fric en caisse."

Pourtant, Anna Biller a beaucoup de choses à dire au travers de The Love Witch et beaucoup de thèmes à explorer: le female gaze, le patriarcat, les relations hommes-femmes ou encore la place de la femme dans la société. Malheureusement, en plus de ne maîtriser aucun d’entre eux, elle parvient à maltraiter ses sujets de réflexion plus violemment qu'un étudiant qui viendrait tout juste de suivre ses deux premières semaines en fac de sociologie. Certes drôle sur une petite demi-heure, cela devient douloureusement long sur deux heures, et donnerait presque envie de couper court à une conversation dont Anna Biller semble la seule à pouvoir être satisfaite.

Mais l'onanisme, la réalisatrice l'aime aussi à l'écran. C'est donc à son interprète Samantha Robinson de s'y coller. Le spectateur moyen ne pourra éprouver autre chose que de la pitié pour l'actrice qui a tellement peu pour nourrir son personnage qu'elle est condamnée à traverser le film d'un air ahuri, singeant vaguement l'archétype de l'ingénue sans arriver à faire plus que d'être une Edwige Fenech de bas de rayon chez Carrefour ; ou toute autre franchise de supermarchés pour laquelle votre portefeuille aurait un coup de cœur.

Finalement, qu'est-ce que The Love Witch sinon un échec dans l'harmonisation entre son fond et sa forme face à ses aînés, rappelant presque la révérence ambitieuse, et ratée elle aussi – bien qu’un poil supérieure –, qu'était Barbarian Sound Studio ?
On aura beau nommer les ersatz "hommages" pour ne froisser personne, il restera toujours préférable de se reporter au matériau original (ou leurs parodies porno, pour les plus déviants).


Félicien Hachebé

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