Critique du film The Dig

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Par Super Seven

le 08/02/2021

SuperSeven :

C’est sur une volonté de narrer l’histoire de ceux qui la créent, ou plutôt de ceux qui la font renaître – en la déterrant – que cette nouvelle production Netflix s’est lancée le défi d’illustrer le travail d’un ignoré. Basil Brown a réellement existé et son travail n’a été reconnu que récemment. Ces archéologues nourrissent nos fictions contemporaines. Sans eux pas d’histoire, et sans histoire pas de scénario. Il y a ceux qui creusent pour la viabilité de la culture et ceux qui mènent bataille. « The Dig » a tout pour séduire au premier coup d’œil.

L’humilité que l’on pense trouver dans le long-métrage se confronte dès la séquence d’ouverture aux notes enjouées du compositeur Stefan Gregory. La bande-originale contraste avec le genre et ternit l’image du film, salissant le propos de fioritures musicales incessantes. Loin de la dissonance, ces dernières sont trop parfaites pour correspondre au côté « poussiéreux » du film. Ces quelques secondes qui accompagnent le début du long-métrage nous servent là d’appât, comme si l’œuvre doute d’attirer son public – il suffit de voire sa bande-annonce pour constater ô combien le film s’en éloigne –. La photographie, sans avoir la prétention de vouloir apporter au cinéma un ajout particulier, s’entête à multiplier les beaux plans. Avis aux amateurs de teintes dorées et autres « golden hour », vous êtes servis d’un point de vue kitsch. Une décision qui, là encore, choisit le réconfort dans l’image plutôt que de servir la trame ; une tentative de toucher un large public probablement.

Pour autant, l’œuvre étonne par sa variété de propos. Commençant comme un biopic centré sur une figure d’antan, les thèmes décollent rapidement, entre une guerre qui s’apprête à balayer le charme des années trente et l’arrivée soudaine de personnages secondaires qui volent progressivement la vedette à Basil. Il est évident à ce stade de se sentir un peu dépassé par le film, sans savoir réellement à qui s’accrocher. En réalité, aucun acteur ne possède le premier rôle et tous se retrouvent à un moment ou un autre sur le devant de la scène. L’univers est ici privilégié aux protagonistes. Est-ce un mauvais choix ? Loin de là, le fait de s’attarder sur d’autres personnages souligne avec justesse le propos du film, Basil travaillant sans cesse dans l’ombre. Tout semble indiquer, romances avortées comprises, cette volonté de laisser le fouilleur à sa découverte, loin d’une potentielle évolution et des projecteurs du British Museum, à l’image de son vécu.

Un choix souligné par l’entrée de la fascinante Peggy Preston (Lily James) et son amour friable voué à son mari absent, Stuart Piggot (Ben Chaplin). À leur arrivée, le film se confronte à un changement de direction. La fouille devient secondaire et les rapports sont projetés au premier plan. Le personnage de l’enfant, quant à lui, jalonne l’œuvre. Il est un symbole authentique du rêve lié au passé, par sa passion qu’il voue à l’histoire et la chance qu’il a de pouvoir y participer. Cette multiplicité des thématiques autour des rapports humains est culottée et peut en lasser plus d’un. Mais Simon Stone frappe fort dans sa capacité à se renouveler, même au cœur d’un chapitre à peine entamé. Il nous renseigne sur les frustrations du métier, sur un amour bientôt rompu par une guerre imminente, et il révèle une relation maternelle douloureuse, le tout accompagné d’un pan sur l’acceptation du deuil. Notons tout de même que certains autres sujets abordés ne brillent pas par leur originalité comme l’adultère ou l’orientation sexuelle remise en question opposée au classicisme de l’époque.

Finalement, « The Dig » fait du bien. Il réussit à merveille à nous compter une histoire simple mais non moins importante pour l’époque, tout en y injectant une dose de romance et d’ambiance atypique d’un monde d’avant-guerre. On peut lui reprocher sans doute son ambiance un peu trop kitsch et ses écarts, mais on retiendra avant tout son excellent casting et ses instants de douceur qui nous auront apporté une larme qui, on l’imagine, n’a rien d’une poussière dans l’œil.


Léo Augusto Jim Luterbacher

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