Critique du film Taxi Driver

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Par Super Seven

le 07/09/2020

SuperSeven :

Martin Scorsese est l’un des noms qui ressort le plus souvent lorsque l’on parle de réalisateurs au cinéma. Non seulement pour avoir marqué de son empreinte le cinéma moderne, il est aussi connu pour la touche autobiographique qu’il inscrit dans chacun de ses films. Avec un passé d’immigrant italien, dans le quartier de Little Italy à New York, Scorsese laisse une place importante à ce qui a marqué sa jeunesse dans ses longs-métrages.

Le 2 juin 1976, sort dans les salles françaises Taxi driver. Le synopsis semble au premier abord assez vague et flou: on nous présente un homme, ancien marine, qui rentre à New York pour devenir chauffeur de taxi. Il est décrit comme étant quelqu’un de solitaire et insomniaque. Cette présentation ne nous donne donc que peu d’informations sur le film, sans que cela n’en entrave le fonctionnement. Le suspens est dès lors conservé, caractère que l’on ne retrouve que plus rarement aujourd’hui avec un cinéma plus souvent dans l’explication à outrance.
Le fait d’avoir choisi de Niro est un atout considérable pour Scorsese. On se rappelle en effet qu’il avait déjà été le choix premier du cinéaste pour Mean Streets paru en 1973, avant de signer deux ans avant la sortie de Taxi Driver une bonne prestation dans la deuxième partie du Parrain. Il fait partie des comédiens qui possèdent cette facilité à l’écran, parvenant à transmettre des émotions sans même avoir besoin d’ouvrir la bouche. Et c’est exactement un acteur de ce calibre que nécessitait le personnage de Travis. De Niro est transcendé par ce rôle. Les non dits, les silences, les expressions faciales sont joués à la perfection par l’acteur américain. Difficile d’imaginer quelqu’un d’autre pour cette partition, tant l’interprétation magistrale ici livrée est ce qui fait que ce personnage crève l’écran et nous marque.

Travis vit seul, mange seul, et regarde la télévision comme beaucoup d’américains. Ce qui sublime ce film, c’est l’identification possible en son personnage. Il est comme tout le monde : un homme qui vit avec ses interrogations, sa vision du monde, et parfois ses préjugés. On comprend très vite qu’en plus d’être solitaire, il développe depuis sa prise de fonction dans une compagnie de taxis, un regard amoral sur la société qui l’entoure. Plus qu’un simple mépris, Travis est dégoûté par celle-ci et les hommes qui la composent.
La rencontre avec Betsy vient pourtant nuancer cette vision si négative qui le ronge profondément. Le pouvoir d’une femme sur un homme est saisissant. Au delà du simple intérêt suscité par cette nouvelle rencontre, Travis s’enquiert de ce qu’elle fait, de ce qu’elle aime. On souhaite alors tout au long de cette période que cette nouvelle rencontre le sorte de sa routine ennuyante et grisonnante.
Or, le flirt prend rapidement fin, et l’on retrouve un personnage principal encore plus replié sur lui-même.
Outre sa relation avec les autres, celle entretenue par Travis avec lui même est très intéressante: il ne se ment pas et doute parfois. C’est un homme perdu dans la vie comme dans New York. Ce malaise, allié à cette incompréhension vis à vis de lui-même est perceptible par la mise en scène, l’isolant souvent au milieu de la foule dans la « Big Apple » ou montrant sa psyché éclatée à l’image du comprimé se dissolvant longuement dans le verre.
De même avec le rapport compliqué qu’il entretient avec ses parents. On comprend vite qu’ils sont loin, que ce soit dans la vie de leur fils ou géographiquement parlant. Cependant il n’a pas besoin de les voir, il entre ainsi dans la catégorie de personnes qui peuvent s’émanciper de façon totale de leur famille.
Il se livre cependant tout au long du film à une relation épistolaire avec eux, comme pour les rassurer et leur prouver qu’il est bien devenu quelqu’un. Ce procédé est fascinant, il n’occupe pas une place réellement importante à l’écran mais le peu que nous montre Scorsese traduit un vrai trait de caractère de son personnage principal.

La progression du récit est marquée par une nouvelle facette de sa personnalité qui va voir le jour. La haine finit par faire partie intégrante de ce qu’il est, et celle-ci qui est le moteur de son évolution dans la première partie du film, va se transformer en une haine positive.
La transition s’opère grâce à la seconde rencontre déterminante du film : une jeune prostituée dont la vie va révolter Travis.
Dès lors, il trouve un but. Lui qui n’espérait plus rien, qui vivait sans lendemain. L’évolution du personnage et de sa haine intérieure pousse Travis à s’acheter des armes, faire preuve de violence et de vulgarité. Malgré cette vision si particulière, il n’est pas quelqu’un de méchant, ou de précisément mauvais, il s’agit simplement de quelqu’un de perdu.
Sortir de son enfer cette jeune fille est une question de principe pour lui, et il va tout faire pour y parvenir, nous offrant une des séquences les plus belles du cinéma, le tout sur une musique exceptionnelle.
La bande originale composée par Herrmann étant au service de la narration, l’univers de ce film est tout simplement satisfaisant. Ce qu’il nous procure comme sensation est très difficile à expliquer, il faut le vivre pour comprendre ! ! La musique à la fois stressante et longiligne s’accorde parfaitement avec les plans de la ville de New York. Une ville dans laquelle Travis est tout simplement un étranger…

Taxi Driver s’impose rapidement comme un succès commercial, gagnant la Palme d'or au Festival de Cannes en 1976, introduisant ainsi Scorsese à la table des grands. Il est aussi nommé pour quatre Oscars, dont celui du meilleur film et de meilleur acteur pour De Niro. C’est bien, mais ce n’est qu’un plus…
Taxi driver est une traversée de la vie ! Scorsese réalise une œuvre profondément humaine et c’est précisément la clé de sa réussite. C’est ce que chacun ressent au cours de cette aventure qui est important, comment le film nous fait grandir et prendre du recul sur cette notion complexe qu’est la Vie.
C’est pour cela que j’aime Taxi driver, une histoire simple sur une personne banale. Arriver à un tel résultat est une performance qui impose le respect !


Corentin Christiaen

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