Critique du film Sound of Metal

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Par Super Seven

le 27/04/2021

SuperSeven :


Le bruit intense des caisses claires, le brouhaha puissant des cymbales, le raffut extravagant de la grosse caisse. Le tout mêlé aux hurlements de la foule, aux cris de la guitare et de la vocaliste. Tel est le quotidien de Ruben Stone, personnage principal du film de Darius Marder The Sound of Metal, dans lequel on voit ce jeune batteur perdre son sens le plus précieux : l'ouïe. L’idée est simple, nous rappeler que la préciosité des choses n’est jamais aussi forte que lorsqu’elles disparaissent.

Perdre un sens est terrifiant, tragique même. Le risque de surdité chez les musiciens est logiquement plus élevé, l’exposition souvent non protégé des oreilles aux bruits intenses étant un facteur d'apparition de ce phénomène. Ici, plusieurs phases pour Ruben, à commencer par le déni. Il n’accepte pas ce nouveau problème, son Fatum comme dirait le stoïcien. Il ne veut pas y faire face et n’arrive pas à aller de l’avant, à l’image de la scène de dispute avec sa copine. La rage éclate chez lui, tandis que chez elle c'est l'incompréhension et la peine. Lorsque toute votre vie tourne autour de la musique, et que du jour au lendemain tout s’arrête, tourner la page n’est pas chose aisée.

L’immersion est par ailleurs renforcée par le sound design très travaillé de Nicolas Becker, qui nous fait percevoir l’audition d’une personne qui perd peu à peu son ouïe jusqu'à devenir complètement sourde. Aussi, certaines scènes clés sont marquées par des transitions sonores, le spectateur entendant d’abord comme une personne normale puis comme une personne sourde. Ce faisant, on ressent bien l’évolution de Ruben ; à l’instar du plan subjectif qui nous offre le point de vue d’un personnage, on a là un « point d’écoute » pour renforcer notre empathie. Comme si nous pouvions, l’espace d’un instant, comprendre ce que vit Ruben. Au-delà de cette dimension technique, la narration n’est pas en reste pour véhiculer de l’émotion.

Une fois le handicap survenu, il faut s’adapter ou se laisser mourir mais il n’y a pas de retour en arrière possible. A ce titre, l'interprétation de Riz Ahmed, très juste, parvient à nous montrer à quel point il est difficile d'accepter son destin. Sa perte de repères, son refus d’accepter sa condition paraissent si cohérents et naturels qu'on ne peut que se mettre à sa place. Pourtant, Darius Marder se détache de la portée tragique de son récit pour prendre le chemin de la beauté. Le malheur de Ruben l’amène à rejoindre une communauté de sourd-muet, dans la campagne américaine, loin de la ville. Joe le propriétaire des lieux, sourd muet lui aussi, aide Ruben notamment à gérer ses émotions et accepter sa condition. Partant de zéro, il intègre une classe d’enfants partageant son incapacité pour apprendre le langage des signes afin de communiquer avec sa nouvelle famille. Le message d’espoir est clair : vous n'est pas seul, nous sommes comme vous.

Si Hollywood cherche récemment à soigner son image, notamment autour de la question des représentations, Darius Marder s’inscrit brillamment dans cette mouvance. Un héros un sourd muet n'est pas courant dans les scénarios contemporains, et cette plongée dans ce monde peu connu de leur communauté est fascinante, voire nécessaire pour mettre en lumière ces personnes souvent mises de côté.
Sound of Metal est un film qui fait du bien, il nous rend empathique, nous émeut et nous fait même grandir.


Nikolas "Kosby" Tillier

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