Critique du film Slalom

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Par Super Seven

le 18/05/2021

SuperSeven :


A contrario du titre de son premier film, Charlène Favier ne slalome pas sur les pistes de l’ambiguïté mais s’attaque frontalement aux violences sexuelles dans le monde du sport. Le slalom, lui, est réservé aux obstacles insurmontables que rencontre notre jeune personnage principale.

Lyz, 15 ans, intègre la prestigieuse école de Ski-étude dans les Alpes. En perte de repères, timide et réservée, elle se découvre un talent immédiat pour la discipline. Son entraîneur Fred ne tarde pas à placer de grands espoirs en elle, et à la prendre sous son emprise absolue.

Il est tout d’abord important de rappeler que le film est irrigué par la tragique expérience de sa réalisatrice, d’un évènement de sa jeunesse et plus précisément dans le monde du sport. De ce désir d’extériorisation nait un objet de fiction, qui arpente les multiples manières de filmer la domination psychologique. Slalom suit tout du long le seul regard de Lyz, royalement interprétée par Noée Abita, pour ainsi mieux constater l’ombre qui vient napper son avenir. Le sport est en ce sens le terrain d’expérimentation idéal, puisque concrétisation des pressions physiques et psychologiques de l’adolescence. Cette dernière se révèle vite incompatible aux exigences surhumaines de la haute compétition, et c’est en cela que Favier tisse le portrait de la découverte de son corps, de ses envies, et de sa sexualité. On dénote une approche assez similaire dans le Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, fort d’une dimension sensorielle comme dynamique de tension. Une double attraction s’opère alors vis-à-vis de l’entraîneur Fred, joué par le terrifiant Jérémie Renier, faisant de Lyz un objet de désir aussi bien que de performance.

La mise en images de la menace qu’il représente est ici tout l’enjeu. Frappante, l’ombre de son corps symbolise l’étau qui se resserre sur la jeune fille en perdition. Fred et Lyz ne sont que rarement au sein du même cadre lors des scènes fatidiques, mais plutôt en contrechamp, supposant le danger pour l’intimité et la santé psychologique de Lyz lorsqu’il pénètre son cadre, sa zone de sécurité, qui sonne par ailleurs le point de rupture du film. La scène de restaurant est en ce sens la plus criante, les deux personnages étant filmés sous l’égide d’une grande longueur focale, donnant texture et conception à la prison sentimentale de Lyz. Ainsi, le malaise de la figure de Fred vient du fait qu’il est instable. Il peut tout autant devenir le héros de ses élèves qu’un point noir de leur existence. Lyz est souillée, ankylosée, détruite par la pression exercée, mais développe un syndrome d’attachement à l’égard de son entraîneur aux tendances pédophiles. Slalom est de ces films brutaux qui matérialisent le caractère malsain et pernicieux des au-delàs de la morale.

Tout de cet objet tend donc à privilégier la contemplation du rapport au corps, par une mise en scène implacable et un son perçant pour renforcer l’immersion. Mais le tableau n’est pas parfait. Hormis Fred et Lyz, les autres personnages se limitent à de vagues apparitions sans grande importance pour la continuité du récit, à l’image de la mère qui devient vite secondaire une fois que Lyz s’en émancipe. Constamment en hors-piste, Favier hésite sur son dialogue entre dépendance et domination, qu’elle effleure sans approfondir davantage où l’on aurait aimé que ce le soit. L’atmosphère d’angoisse est finement instaurée, mais passée la suffocation des premiers instants, le film se révèle assez vite laborieux à suivre, faute de dynamisme. Une passion dévorante anime le long-métrage, mais ne sait se conjuguer à l’ambiance glaciale qui en émane et qui ronge fatalement le déploiement des autres tensions.

Il est donc dommage de demeurer hermétique face à ce sujet salutaire, qui mérite toute notre attention. Charlène Favier signe cependant un premier ouvrage plus que digne d’intérêt, aux enjeux et concepts esthétiques forts, annonçant une belle carrière en perspective. On vous encourage donc à vous rendre en salle dès leur réouverture, afin de vivre ce thriller sensoriel dans la meilleure des conditions.


Richard Guerry

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