Critique du film Scream (2022)

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Par Super Seven

le 20/01/2022

SuperSeven :

CRITIQUE SANS SPOILS MAIS NE PAS LIRE SI ON VEUT DÉCOUVRIR LE FILM ET SES « OUTILS » ENTIÈREMENT PAR SOI-MÊME


Initiée par Kevin Williamson et dirigée d’une main de maître par Wes Craven, la saga Scream a toujours été à part dans le cinéma d’horreur, par ses apports comme par le commentaire qu’elle en faisait. Composée jusqu’ici de quatre longs-métrages (et d’une série, qu’on préférerait oublier), la franchise semblait au point mort suite au décès de Wes Craven en 2015, lui qui avait signé le quatrième volet en 2011. L’inquiétude qui régnait à l’annonce du projet de cinquième opus en 2019 est compréhensible : comment être cohérent avec la saga sans sa tête pensante ?

Il est sans nul doute en voyant Scream (2022) que ses réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (du collectif Radio Silence, qui produit également le film) ne sont pas là pour surpasser Wes Craven, au contraire, ils ont conscience de ne pouvoir faire mieux. Ils viennent à Woodsboro pour montrer leur amour de la saga car, oui, le film est une véritable lettre d’amour à ces quatre films et à son créateur - en témoigne la mention “Pour Wes” en amorce du générique de fin. Pour autant, c’est peut-être là le gros défaut de leur approche.

Scream n’est en aucun cas fait pour les profanes. Le public non-familier peut y trouver son compte – sans plus cela dit –, mais c’est aux fins connaisseurs que le film s’adresse. À travers de nombreuses références qui peuvent vite mettre en dehors le grand public, mais surtout avec une histoire qui repose énormément sur ses connaissances de la franchise, il n’est presque pas possible pour un spectateur lambda de vraiment prendre part à l’histoire – du moins durant le troisième acte – et de ressortir du film en ayant beaucoup apprécié. Ce sentiment est, malheureusement, réservé aux « fans ».

Si l'idée n’est pas d’égaler Craven, force est de constater que sa mise en scène a été comprise et digérée. En étant parfois dans la référence, qui ne semble jamais facile et en accord total avec le projet, Bettinelli-Olpin et Gillett s’inscrivent dans la continuité de la saga, tout en la modernisant. Scream atteste d’une violence plus frontale que les autres suites, avec une belle gestion du temps et de la tension malgré un manque de créativité dans les mises à mort qui désole un peu si on compare à l’original.

Il est toutefois admirable de voir comment scénaristes — James Vanderbilt et Guy Busick –, et réalisateurs ont habilement réussi à reprendre les rennes et à détourner l’outil du commentaire originel, sève de la saga, pour justement jouer contre celle-ci. Une lettre d’amour à Scream en général donc, mais surtout une dissertation sur sa futilité, doublée d’un retour à la source qu’est le travail adulé de Wes Craven.

Cette réflexion meta sur le premier film utilise également des outils des autres pour déconstruire la franchise, et interpréter le massacre de 1996. C’est à ce titre qu’intervient Stab, dérivé de Scream au sein de l’univers. En reprenant cette œuvre alternative au huitième volet – un de plus que depuis Scream 4 –, l’idée mise en avant dans l’introduction de ce dernier est développée : les franchises horrifiques qui se rallongent finissent par s'essorer jusqu’à en devenir ridicules ; Scream (2022) illustre cela avec un Stab 8 navrant — d’ailleurs réalisé par un certain Rian Johnson, qui s’était déjà attelé à un huitième volet, avec plus ou moins de succès...
Dans une scène de ce nouvel opus, un des personnages nous explique la mode des « requels » : pas vraiment un reboot, pas vraiment une suite… un film qui ne sait pas vraiment où se placer. Ainsi, à l’instar de Scream 2 qui parlait des suites, Scream (2022) nous parle de cette nouvelle tendance assez intelligemment. En citant Halloween (franchise bientôt rejointe par une autre, Massacre à la tronçonneuse), Scream (2022) nous malmène sur ce que l’on pense qu’il est.
Même titre que l’original, retour d’anciens personnages tout en essayant de passer le flambeau à un nouveau casting, tout porte à croire que Scream s’inscrirait dans cette lignée. Finalement, c’est là où son commentaire devient malin qu’il se rapproche le plus du premier volet qui se moquait des règles stupides des productions horrifiques, essorées jusqu’à leurs dernières gouttes.
Ce commentaire continue jusqu’à un troisième acte qui, comme dit précédemment, laissera beaucoup de personnes sur le côté pour se montrer comme une vraie suite et non pas un « requel ». Il justifie à lui seul l’existence de ce film et donne son sens au nom choisi, SCREAM, en mêlant bien continuité ET répétition de ce même titre.
Un dernier tiers qui ressemble à un véritable numéro d’équilibriste, un château de cartes qui pourrait tomber mais qui arrive à tenir, notamment car il est toujours cohérent dans son alternance entre mimétisme et rupture de traditions. Là où la diégèse appelle à un retour aux sources, son script et sa mise en scène amènent à une modernité, en commentant sur le toxic fandom et sur ce que, finalement, cela apporte de refaire des films (des remakes donc) ou bien de continuer des sagas qui ont tourné en rond durant si longtemps.
Si, effectivement, des fautes de goûts parsèment le métrage, celles-ci tendent à être pardonnées tant elles semblent voulues par les scénaristes, justement dans une démarche d’aller toujours plus loin. Les dialogues semblent parfois être trop écrits et forcés pour se montrer méta, notamment durant le troisième acte, tandis que ces mêmes lignes sont peut-être trop référencées au point de virer dans le too-much.
Mais, à trop vouloir commenter, cela n’entache-t-il pas les intentions de base ? Quelques problèmes de rythmes sont aussi à noter. Commençant très fort avec un premier tiers dense qui ne nous lâche pas, ce qui suit peine à pleinement emballer avec une vingtaine de minutes plutôt pénible avant le final éclatant.

Pour autant, Scream (2022) dégage une telle tendresse, un tel amour, qu’il est difficile de lui en vouloir. Loin de plaire à tout le monde — et n’est pas fait pour cela –, il s’agit d’une exhumation (voire résurrection ?) justifiée d’une saga qui n’avait pas bougé depuis presque onze ans.


Pierre-Alexandre Barillier

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