Critique du film Rouge

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Par Super Seven

le 11/08/2021

SuperSeven :


Sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde, de Cannes à New York en passant par Lumière à Lyon, Rouge s’est retrouvé, comme nombre de films de 2020, avec une sortie tourmentée, pour ne nous arriver finalement que maintenant.

Il nous embarque dans une lutte pour l’environnement, portée par Nour, une ancienne infirmière hospitalière devenue infirmière au travail de son père, une grande usine suspectée de rejeter ses déchets et de polluer la région.

Difficile de ne pas penser à Dark Waters de Todd Haynes, sorti l’an passé, dans son traitement d’une crise environnementale et humaine due aux méfaits d’une entreprise. Là où Rouge se démarque plus de ceux auxquels il peut être comparé, c’est qu’il se cantonne à une échelle plus que raisonnable : l’impact du combat de Nour scarifie les relations familiales et c’est ce qui prime pour Farid Bentoumi, le réalisateur. Sa mise en scène est très terre-à-terre (non pas simpliste mais dans le thème du film) avec une approche très discrète qui permet de croire en cette histoire, laquelle est inspirée de plusieurs affaires d’entreprises françaises, notamment l’usine de Gardanne.

Farid Bentoumi, d’abord acteur, s’intéresse surtout à ses personnages et c’est peut-être là que l’on tient le meilleur du projet : on y croit. Les interprètes sont superbes, particulièrement Zita Hanrot et Sami Bouajila – fraîchement lauréat du César du meilleur acteur. Leur relation, en proie à l’urgence environnementale, est le socle du récit, ce qui ressort par leur jeu et les dialogues qu’ils livrent avec beaucoup de conviction. Les seconds rôles, Céline Sallette par exemple, ne sont également pas en reste et aident à la crédibilité du film.

La position du côté des ouvriers est aussi à louer. Là où ce genre de films repose souvent sur la lutte de ceux-ci sans jamais les humaniser ou les montrer, Farid Bentoumi, lui, le fait. Ils sont incarnés, écrits et la cause portée à l’écran a dès lors de l’impact. Le dilemme est bien posé, et permet au film de pouvoir rebondir dessus sans jamais s’essouffler : protéger son emploi ou protéger sa santé et ses proches ?
Mais est-ce étonnant de voir une œuvre concentrée sur cet aspect social quand le metteur en scène parle beaucoup de son enfance en milieu ouvrier, mais aussi quand on voit qu’il s’est trouvé des producteurs en les personnes de Jean-Pierre et Luc Dardenne ?

Rouge a du potentiel, c’est indéniable, et une approche qui, sans être inédite, relève du trop rarement vu. Dommage qu’il soit parasité par des problèmes dans sa narration, à l’image de sa fin tristement bâclée, qui empêchent le spectateur d’entièrement plonger dans ce récit qui a le mérite d’alerter le spectateur sur des causes importantes, on ne peut plus actuelles.


Pierre-Alexandre Barillier

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