Critique du film Trois millards d'un coup

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Par Super Seven

le 14/06/2023

SuperSeven :


Un an avant le cultissime Bullitt, Peter Yates se lance dans le genre du film policier avec Trois milliards d’un coup, inspiré du braquage du train postal Glasgow-Londres – que l’on peut apercevoir pendant le générique – qui fit grand bruit en Angleterre au début des années 60. C’est avec un autre casse, montrant le procédé habituel de ces braqueurs pour les coups de moyenne envergure – il s'agit tout de même de diamants d'une valeur de plus de 100 000 livres – que Peter Yates présente une partie de l’équipe et leurs habitudes (déguisements, choix d’un pilote expert et d’une très bonne voiture anglaise).
Ensuite, chaque personnage apparaît au fil d’une construction brique par brique, alternant les recrutements de l’équipe de malfrats et les progrès de l’enquête du commissaire Langdon (James Booth). Par un savant montage parallèle, les personnages se rapprochent, se lient entre eux comme le banquier Robinson (Frank Finlay) et la police par les regards et gestes qui se suivent ou se précèdent. Idem pour Paul (Stanley Baker), cerveau des opérations, dont la relation avec sa femme Kate est établie d’un simple raccord.

Outre la proximité des personnages, ou leur distance, ce montage illustre, en miroir, la manière dont les policiers et les braqueurs se retrouvent régulièrement pour faire le point sur la situation. D’un côté la réunion est très cadrée, dans une salle prévue à cet effet, enfumée, sans vue sur l’extérieur, semblant à l’écart du monde. De l’autre, les braqueurs se retrouvent dans les tribunes d’un match de foot, fondus dans la foule. Ce contexte plus chaotique, libre, n’en demeure pas moins prétexte à une répartition des forces en présence ; Paul d’abord dominateur des débats, surplombant ses associés, perd peu à peu – au gré de changements d’échelles bienvenus illustrant les désaccords qui apparaissent – le pouvoir.

Peter Yates affirme un style étonnant, immersif, en distribuant de nombreux indices, certains pouvant donner un temps d’avance sur les personnages. Il se distingue surtout par son utilisation de la musique, présente uniquement pendant les scènes de casses au début et à la fin. Ces séquences gagnent une dimension spectaculaire qui s’oppose au calme, voire la minutie quasi documentaire des préparatifs. Le train intervient alors pour couper le film en deux grandes parties, comme un aller-retour : d'une part la genèse du braquage et de l’autre son exécution. Alternant temps réel et ellipses, la séquence du braquage joue avec le temps autant qu’avec les nerfs, amenant un suspense qui ne s’atténue pas pendant la traque et qui demeure jusqu’à la fin. Trois milliards d’un coup se conclue par le coup de maître tant attendu, et ouvre la voie de l’Amérique à Peter Yates, où ses heures de gloire l’attendent.


Mathis Slonski

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