Critique du film My Love Affair with Marriage

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Par Super Seven

le 08/06/2023

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My Love Affair With Marriage est construit sur une dialectique simple et (relativement) efficace. Signe Baumane, dont il s’agit du deuxième long métrage, s’attache en effet à opposer frontalement deux mondes – le fantastique au scientifique / l’onirique au pragmatique – à travers deux registres radicalement différents ; y compris en animation à travers un mélange dessin 2D – stop motion. D’une part, la comédie musicale par un chœur, qui donne un charme ironique aux pensées traditionnelles et autres morales de contes de fée sur le mariage un brin dépassées ; d’autre part, des élans d’abstractions à base de schéma sur le fonctionnement des neurones ou hormones doublés d’une voix off neutre et pédagogique. Ce petit jeu plymptoonesque (on pense autant aux tutoriels hilarants comme How to kiss qu’à ses œuvres plus musicales), gonflé d’un style d’animation qui rappelle lui aussi le cinéaste américain – Signe Baumane ne cache pas son admiration pour ce dernier –, tient d’abord en haleine par sa fraîcheur de ton qui contraste avec le côté programmatique du sujet ; une jeune femme va apprendre à s’émanciper du patriarcat au gré de ses différentes histoires d’amour et de mariage. La réalisatrice plonge tête baissée dans le récit autobiographique avec juste ce qu’il faut de recul pour ne pas livrer un discours un peu lourd. Au contraire, elle embrasse pleinement la complexité d’avoir été une femme élevée selon certains préceptes en détournant ceux-ci par le biais d’une animation créative et libérée, qui donne à voir un délicieux cocktail de naïveté adolescente et de cynisme adulte.

De la conformation à laquelle Zelma est fatalement soumise (pour être considérée comme une fille et attirer les garçons, elle doit devenir douce et fragile), la cinéaste extraie une multitude de facteurs neurologiques, hormonaux, historiques et philosophiques qui expliquent ce phénomène sur le ton de la satire. Toutefois, le systématisme du dispositif lui fait perdre en charme, voire devient rébarbatif, quand chaque nouvelle intervention musicale ou scientifique est prévisible au point d’avoir l’impression d’assister à une dissertation qui tourne en rond. Alors oui, on rigole, on apprend, mais une fois la dynamique intégrée, on soupire et on attend. La base de la pédagogie est certes la répétition, mais Signe Baumane n’arrive progressivement plus à insuffler une vivacité et une humanité complexe suffisantes, si bien que la fameuse love affair avec l’institution qu’est le mariage donne envie de faire un break avec le film. C’est d’autant plus dommage que My love affair with marriage cultive l’étrange paradoxe d’être un film d’animation hors normes et pourtant tout public, sorte de synthèse idéale de ton et de style pour emballer les grands et les petits, les réacs et les progressistes, les garçons et les filles. Un tel cours d’éducation sexuelle ne fait pas de mal, c’est évident, mais à trop vouloir donner la leçon, Signe Baumane donnerait presque envie d’être mauvais élève.


Elie Bartin

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