Par Super Seven
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MOURIR PEUT ATTENDRE : TROUVER LE JUSTE ÉQUILIBRE
Dans un monde où les salles de cinéma se remettent petit à petit d'une crise sanitaire mondiale qui a affaibli toute l'industrie, les films issus de la saga James Bond sont une véritable aubaine pour les studios afin de tenter de réconcilier le public avec le septième art. Bien conscient de ces enjeux, Mourir peut attendre arrive à point nommé et compte bien saisir l'opportunité qui lui a ardemment été réservée pour l'occasion, portant en quelque sorte sur ses épaules le pouvoir décisif d'écrire la suite de l'histoire du cinéma post-COVID. Dans cette ultime attente, le film de Cary Joji Fukunaga est-il au niveau pour susciter assez d’émoi et ainsi clore l'arc Daniel Craig dans un mémorable final ?
Terminer un cycle tel que celui du James Bond de Daniel Craig n'est jamais chose facile. Si l'acteur a réussi à insuffler un vent de renouveau en dépoussiérant l'emblématique agent secret, il l'a aussi emmené explorer de nouvelles facettes du personnage, exposant ses failles et dévoilant de plus profondes émotions. Fort de cette nouvelle version du Bond moderne, l'ère Craig touche pourtant à sa fin, après cinq films mettant en scène l'acteur britannique, lui offrant un dernier opus qui a su se faire attendre, après un Spectre en demi-teinte.
Ce qui frappe en premier dans Mourir peut Attendre, c'est la densité de son scénario qui multiplie les variations des séquences d'actions en proposant une rare diversité de décors dans lesquels se déroulent ces scènes. En effet, un soin particulier a largement été apporté sur la perception de l'action, avec un renouvellement constant de la manière de créer des ambiances picturales qui coïncident avec la narration des combats qui lui font face. Cette manière de faire, de construire des films dans le film, se retrouve dans le travail précédent du réalisateur Cary Joji Fukunaga, qui s'attelait déjà à la tache en faisant voyager le spectateur dans la multitude d'univers variés de sa brillante série Maniac, dédiant pleinement la mise en scène au service de ce dans quoi elle évolue.
Dans cette perspective de faire corps avec le déroulement du métrage, l'intrigue elle-même s'avère être la continuité du film précédent, à défaut de retrouver les aspérités que celui-ci comportait. C'est d'ailleurs dans cette optique, de vouloir créer de la matière, que Mourir peut Attendre trouve ses failles. En décentralisant le fondement même de l'histoire pour s'éparpiller dans de nombreuses séquences – certes intéressantes –, le rythme est entaché au point d'en perdre le fil rouge et de ne plus faire face à la forme qu'au fond. Toutefois, le fond existe ou, du moins, essaie d'exister. Car dans la mesure où Daniel Craig tire sa révérence, un pan important est ajouté à l'histoire pour opacifier le personnage, lui créant sa propre genèse qui va lui donner de la matière pour ensuite pouvoir la travailler narrativement et jouer avec, afin de l'exploiter pour renforcer l'attachement entre le spectateur et l'agent secret. De l'autre coté de la mythologie de l'agent 007, il est souvent difficile de faire exister les rôles secondaires face à l'importance que prend James Bond. Mourir peut Attendre n'est pas épargné, et la rivalité qui doit être incarné par Rami Malek est totalement absente, proposant un méchant insipide qui se fait oublier en imposant une non présence à l'écran, totalement écrasée par la romance sur laquelle se focalise le film. Pourtant, à côté de quelques fausses notes, on se surprend à aimer ce grand spectacle qui se révèle sous nos yeux, parvenant à mêler, parfois maladroitement, violence, humour et amour.
Mourir peut Attendre n'est sans doute pas le messie tant attendu par le public, mais simplement une fin sous les projecteurs pour Daniel Craig, peut-être iconisé plus qu'il n'en faut au point de minimiser ceux qui doivent lui tenir tête. Une page se tourne pour l'emblématique saga James Bond, ouvrant le champ des possibles à de nouveaux visages, laissant planer derrière elle un sentiment d'accomplissement par cinq films qui sont parvenus à redorer une formule parfois poussive.
En ressort un habile travail d’équilibriste avec l'action créative stimulant une narration morcelée qui se concentre souvent trop sur la sortie de l'agent Bond.
Théo Pouillet