Critique du film Monster

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Par Super Seven

le 18/05/2023

SuperSeven :


Mettons les choses au clair : je n’ai aucune affection pour le cinéma de Kore-eda ; les précédentes expériences avec ses films ne m’ont garanti, au mieux, que le sentiment poli de voir quelque chose de « mignon ». Revenant en compétition cannoise moins d’un an après Broker – peut-être son film le moins convaincant —, sa présence n’annonçait qu’un visionnage pour le cahier des charges. Or Monster, qui s’inscrit dans la veine de sa dernière Palme d’Or, Une affaire de famille, est plus complexe que cela.

Tout commence pourtant facilement, les règles habituelles du cinéma de Kore-eda étant là, comme pour créer un sentiment de confort. Mais rapidement, Monster lorgne vers son sujet d’une manière inattendue, et glisse peu à peu dans l’incertitude et le mystère d’une mère qui ne comprend pas son enfant. Dès lors, toute éventualité de lassitude est balayée du revers de la main.

En effet, une structure précise s’impose : trois actes, trois points de vue. Difficile de ne pas penser à Rashōmon d’Akira Kurosawa, ou, dernièrement, Le Dernier Duel de Ridley Scott. Contrairement à ceux-ci, qui jouaient d’une certaine ambiguïté, Kore-eda cultive purement la question du regard. Au gré de leurs répétitions, les scènes s’éclaircissent et la beauté de la vision de l’enfant – qu’il aime tant mettre en scène – éclate. Surtout, ce morcellement du récit permet une variation de registres qui donne d’autant plus de cohérence à l’ensemble, à travers chaque personnalité mise en avant. D’une part la mère amène le drame psychologique ; elle s’inquiète du comportement troublant de son enfant. Puis, avec le professeur, toutes les cartes sont rebattues, tant ce dernier joue un rôle clé dans les agissements étranges de l’enfant ; Kore-eda n’en fait pas pour autant un antagoniste mais le regarde en humain. Enfin, l’enfant. Ultime segment, celui-ci ne se contente pas conclure, il réinvente le film en abordant frontalement son ressenti, qui traduit bien le côté coming of age jusque-là enfoui sous les intrigues adultes.

Il est étonnant de constater que Monster est le premier film (hors documentaire), depuis Maborosi – son premier long métrage –, que Kore-eda n’a pas écrit. Son approche a pourtant tout de personnel, et s’inscrit parfaitement dans l’édifice cohérent qu’est sa filmographie. En tout cas, il s’agit d’une belle entrée en matière pour la compétition cannoise, après le pénible Jeanne du Barry en ouverture la veille. On pardonnerait même les dernières minutes un peu moins convaincantes, grâce la magnifique – ultime – partition de Ryūichi Sakamoto— tristement disparu deux mois avant la projection du film –, qui, elle, a emporté tout le monde.


Pierre-Alexandre Barillier

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