Critique du film Minuit dans l'univers

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Par Super Seven

le 03/01/2021

SuperSeven :

Après une année riche en actualité mais appauvrie en cinéma par la crise sanitaire, il est grand temps pour nous autres cinéphiles de faire le bilan. La sélection du caviar parmi les œufs de lompes s’avère toujours aussi compliquée, le podium du pire comme du meilleur se scelle et là ou l’on espérait livrer pour Noël les résultats, voilà que Netflix nous dépose sous le sapin un nouveau long-métrage signé Georges Clooney. Sur le papier, l’œuvre vend du rêve : celui de mêler la survie à la science-fiction, le tout en y incorporant une relation émouvante entre un homme âgé et une petite fille.
La recette chamboule-t-elle notre classement ?

En décidant, délibérément, de s’attaquer à un thème surutilisé dans le cinéma contemporain, on expose son film à la comparaison. La relation entre un enfant et un adulte confrontée à une expédition dans un environnement hostile habille chaque année une multitude de scénarii, s’accompagnant toujours d’un regard supposément différent sur le cinéma actuel. Si la sauce prend avec « Logan », (James Mangold, 2017) et la « La Route » (John Hillcoat, 2009), « Minuit dans l’univers » s’embourbe dans la redondance.

L’image « vendeuse » du long-métrage perd de sa superbe dès son premier tiers. L’enfant devient très rapidement une mascotte qui s’illustre au travers d’une poignée de scènes émouvantes avant de se transformer petit à petit en accessoire inutile qui n’a pour but que d’amener à l’œuvre sa révélation. Une surprise qui d’ailleurs se veut marquante, bien que si prévisible qu’elle s’avère rapidement évidente et ce bien avant sa divulgation.

Pour autant, avant de voir les premiers symptômes du navet s’avancer, le récit promet un joli périple. Une relation touchante s’installe, Georges Clooney – méconnaissable - cherche l’Oscar et l’ambiance se charge de larmes… Soudainement, un contraste total surgit, qui casse toutes nos attentes et annihile nos espérances de nous trouver face à un film de survie. De nouveaux personnages sont introduits sur un décor opposé, le tout plongé dans une atmosphère calme et décontractée qui freine instantanément le rythme général. Rapidement, le modèle se révèle : périple, espace, flash back et ainsi de suite. Toutefois, si la construction s’annonce classique, elle est surtout inaccessible. La volonté d’incorporer à l’œuvre une abondance de thèmes supprime le récit. Comment peut-on s’attacher à une histoire si cette dernière se voit renouvelée toutes les quinze minutes ? L’œuvre donne l’impression de changer de direction à chaque instant. Aucune des trois trames ne se lient fluidement, et si l’adaptation du livre de Lily Brooks Dalton semble se vouloir fidèle, la qualité n’est pas au rendez-vous ; une lecture permet l’empathie en une minute là où il en faudra cinq à l’écran. La durée des séquences mais surtout l’équilibre, la répartition et la puissance des intrigues ne servent jamais l’attachement aux personnages. Le long-métrage étant relativement court - selon les standards actuels -, le périple s’oublie au détriment d’une autre séquence et vice et versa.

Par cette volonté de filmer l’espace, Georges Clooney cherche à retrouver les émotions d’un « Gravity » (Alfonso Cuarón, 2013) sans en frôler les sensations. Les choix des scènes sont réchauffés, les révélations prévisibles et les décors navrants entre des chaises de bureaux IKEA et des fonds en toile d’araignée. Rien ne semble plausible, toute l’ambiance transpire le désuet. Et si vous comptiez sur le talent d’Alexandre Desplat pour sauver les apparences, le compositeur signe ici sa pire bande-originale. Hors-sujet, kitsch et surfaite, à chaque note de musique la consternation s’empare de nos tympans. Le mauvais goût relève en effet de l’exploit tant l’incompatibilité des sons avec les séquences est évidente, ruinant au passage l’intégralité des plans. La mise en scène s’avère, elle, des plus classiques et les jeux de lumières teintent inexplicablement le long-métrage de timbres hétéroclites.

Finalement, « Minuit dans l’univers » reflète l’image même de l’œuvre « à fourre-z’y-tout ». S’essayant à tous les styles, de la survie à touches d’actions incohérentes à l’exploration spatiale en passant par le drame familial, le dernier-né de Georges Clooney épate par ce raté à tout niveau. À force de vouloir goûter à tous les plats, même aux inaccessibles chefs d’œuvres que cette production Netflix tente d’atteindre, Icare s’est brûlé les ailes pour s’achever avec l’impression de n’avoir jamais rien commencé.


Léo Augusto Jim Luterbacher

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