Critique du film The Tragedy of Macbeth

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Par Super Seven

le 24/03/2023

SuperSeven :


THE TRAGEDY OF MACBETH : SHAKESPEARE SUBLIMÉ

On connaissait la passion d’Ethan Coen pour le théâtre, mais c’est pourtant sans lui que son ainé Joel délivre l’adaptation d’une tragédie, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit tout bonnement du mythique MacBeth de William Shakespeare. Pour son vingt-et-unième long métrage, il s’épaule pour la troisième fois du très talentueux chef opérateur Bruno Delbonnel, et tourne intégralement en studio et en noir et blanc, une première dans sa filmographie.
MacBeth ou la pièce maudite, son appellation dans le milieu théâtral, n’a pas porté préjudice aux deux hommes, qui proposent une sublime retranscription, rencontre idyllique entre théâtre et cinéma, illustrant à merveille la tragédie de Shakespeare grâce aux outils cinématographiques à leur disposition sans jamais s’éloigner du texte original. Loin du théâtre filmé dont il pourrait en être accusé, comme à la grande époque de l’impressionnisme et des débuts du septième art, The Tragedy of MacBeth transcende son concept. Certes, les éléments théâtraux sont conservés : le texte est parlé haut et fort, dans sa version originale, avec un jeu sur son rythme, ses rimes et sa musicalité ; les décors et accessoires sont simples, sobres épurés, à travers des lieux identifiables en un coup d’œil (un lit pour une chambre, un trône pour une salle du trône), et le fond des scènes semble lointain, infini, dans la brume, dans l’obscurité ou la lumière étincelante, comme la toile de fond d’une salle. Ces rayons aveuglants, jamais naturels, évoquent directement les projecteurs, dont le son de l’allumage accompagne systématiquement les apparitions de lumière au début de chaque acte. Tout est fait, comme au théâtre, pour mettre en avant les acteurs et leurs répliques, particulièrement Denzel Washington, excellent dans le rôle de MacBeth.

Là où serait attendue une addition entre deux arts, il y a en réalité un produit. Si les codes des planches sont gardés, la caméra sonde l’espace, l’explore dans toutes ses faces et dimensions. Après la projection dans le cadre du Festival « Toute la mémoire du monde », Joel Coen a avoué que les procédés sont grandement inspirés de La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer, notamment le format d’image et l’utilisation de gros plans sur les visages des acteurs, une proximité avec le jeu jusqu’alors impossible au théâtre. Cela va de pair avec le clair-obscur puissant de Bruno Delbonnel, marquant d’une précision éclatante les ombres dans lesquelles les personnages se tapissent pour comploter, et la fuyante et frappante lumière qui s’abat sur les murs du palais ; espace angoissant et paradoxal, puisqu’il donne l’impression de s’agrandir à mesure qu’il renferme MacBeth dans sa fureur et sa solitude. Ce nouveau roi, qui sombre dans la noirceur de son âme, est soumis à des apparitions surnaturelles, à des hallucinations issues de son esprit tourmenté, auxquelles le numérique et la post-production permettent de donner vie de manière organique. Tous les outils du cinéma sont à l’unisson pour mettre en scène un MacBeth de plus en plus seul et de plus en plus fou, dans un environnement inquiétant, de plus en plus grand, labyrinthique et sans repères.

Cette adaptation n’a pas pour but de proposer une nouvelle approche de la tragédie, et on pourrait lui reprocher de ne rien apporter à l’œuvre, mais c’est pourtant en conservant son âme, en restant plus que jamais fidèle au texte, dans une mise en scène juste et sensée, que se transmet l’intemporalité et l’universalité du mythe de MacBeth. Coen ne s’approprie ni ne transpose l’œuvre, comme l’a déjà fait (et avec grand succès) Akira Kurosawa dans Le château de l’araignée, mais c’est peut-être en restant au plus proche de Shakespeare que son génie semble encore plus grand, plus fort, plus sublime.


Maxime Grégoire

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