Critique du film Le Ravissement

logo superseven

Par Super Seven

le 13/10/2023

SuperSeven :

L'instinct éternel


Agir sous l'emprise de l'instinct peut apporter le meilleur comme le pire. C'est l'étude de cet effet papillon qui nous déborde que propose Iris Kaltenbäck dans son premier long-métrage, Le Ravissement. À partir d'une réponse donnée sur un « coup de tête », Lydia s'embarque dans les méandres du mensonge et de la tromperie. Une mauvaise décision à un instant T, guidée par son instinct, son désir pathologique d'attention, qui devient le point de bascule d'une construction passionnante d'un personnage des plus ambivalents.

Néanmoins, bien que le déroulé des événements dépasse largement la volonté de Lydia dans cette terrifiante escalade — au point d’avoir une certaine empathie pour elle — des prodromes sont visibles dès les premières séquences. Sa rencontre avec Milos, chauffeur de bus attentionné et solitaire, résulte elle aussi d'une certaine impulsivité, qui laisse entrevoir le versant mythomane du personnage. Victime de surmenage, solitude voire dépression, spectatrice du bonheur parfait de sa meilleure amie qu'elle ne parvient pas complètement à partager tant il est à l'opposé de ses émotions, les explications sont multiples au déclenchement de ce vertige. Lydia n'est ni condamnée, ni excusée, mais elle provoque une sorte de malaise face à l'idéalisation extrême qu'elle projette de sa situation, et les répercussions pathétiques sur son entourage. Elle est comme prise dans un sable mouvant, et chaque tentative de gérer la situation sans impliquer ni ne blesser personne revient à s'enliser un peu plus, entraînant les autres malgré-elle.

Il est amusant de retrouver dans la mise en scène d'Iris Kaltenbäck les traits de son personnage. La caméra est très libre, les temps-morts sont rares et l'on ressent même quelque chose de fougueux à travers certains excès de style tels que plusieurs fondus à l'iris — fondu au noir dans lequel la fermeture se forme autour d'un personnage ou élément du plan — qui prêtent à sourire tant leur apparition ne semble justifiée que par l'envie d'expérimentation et de touches originales. L'utilisation de la pellicule s’inscrit, elle, dans une envie ardente de rendre le récit vivant et l'image palpable, tout en permettant un remarquable travail de photographie qui capture la douceur au sein de cette tempête physique et psychologique ; en témoigne l’ouverture où, bien qu'elle soit noyée dans la foule urbaine de Paris et ses passants en perpétuel mouvement, seul le visage de Lydia nous attire.

Comme à son habitude, Hafsia Herzi se démarque par son interprétation authentique et nuancée et sa grâce naturelle, qui apportent une ampleur à la portée émotionnelle du récit. Alexis Manenti n'est bien sûr pas en reste, et apporte une présence plus calme, faisant écho au travail sur l'image évoqué. En offrant un nouvel équilibre — bien que factice — à Lydia, il lui permet d’accéder un temps à son idéal et donne vie à ce duo étonnant de partenaires qui fonctionnent sans le savoir dans une dynamique d'opposition, au sein de cette intense chronique individuelle qui se rêverait familiale.


Pauline Jannon

ravissement image.webp