Critique du film Le Gang des bois du temple

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Par Super Seven

le 06/09/2023

SuperSeven :

Après une longue tournée des festivals (Noisy-le-Sec, Berlin, La Rochelle), Le Gang des bois du temple de Rabah Ameur-Zaïmeche sort enfin en salle, à la fois histoire d'un militaire à la retraite qui enterre sa mère, et de son voisin qui s'apprête à commettre un braquage contre un prince arabe avec une bande de sa cité. Un fait-divers qui fait office de départ pour évoquer bien d'autres choses.

C'est d'une part l’exploration des relations entre habitants de ce quartier de banlieue parisienne, en parallèle de l'impunité du richissime prince dans son banditisme, et, d'autre part, le récit d'un deuil et d'une solitude à travers le personnage de Monsieur Pons. Solitude qui ne l'empêche pas d'être vu comme un grand frère, si ce n'est un père, par la bande des braqueurs. Son nom renvoie d'ailleurs bibliquement à Ponce Pilate (et donc au javelot, synecdoque du soldat et de la carrière passée de Pons), figure de l'irresponsabilité militaire face aux ordres, comme lui est dénué de responsabilité envers les braqueurs malgré les relations fortes qu'il entretient avec eux. Il n'est toutefois pas Pilate – qu'il modernise en ne conservant que le Pons/ce, délaissant ainsi l'outil archaïque pour aller vers d'autres armes – jusqu'au bout : à défaut de s'en "laver les mains", il prend la situation à bras le corps pour atteindre sa rédemption.

Contrastant avec Monsieur Pons, l'émir est une figure paradoxale. Froid, sans pitié, il fait exécuter ses ordres par d'autres, n'hésitant pas à employer des hommes de mains pour commettre le pire. Certes représentation de l'oligarchie, il conserve une part de singularité, en témoigne la scène de la boite de nuit qui révèle son humanité. Il n'est plus seulement l'antagoniste du film, il est porté par une volonté de s'émanciper des convenances de son rang en s'endiablant sur de l'électro puis en montant sur scène, lui qui n'est jusqu'alors apparu que dans l'ombre. Les deux séquences musicales sont alors le miroir l'une de l'autre ; la première est une mort (celle d'une mère dont l'humanité est révélée au gré d'anecdotes), la seconde (le lâcher prise du prince) une (re)naissance.

Au-delà de cette opposition, Bébé (Philipe Petit), voisin de Monsieur Pons et faisant partie du commando de braqueurs ouvre le film vers d'autres horizons. Il montre l'humanité du bandit, à travers son quotidien avec sa femme et son enfant dans un quartier défavorisé, qui cherche à s'en sortir. Une des grandes réussites relève ainsi de l'exposition de la situation du quartier sans tomber dans la victimisation ou une justification des crimes. Ameur-Zaïmeche constate : la situation est là, mais elle ne peut qu'expliquer les actes, rien de plus. Sans faire passer les braqueurs pour d'honnêtes citoyens, Le Gang des bois du temple montre des hommes à la frontière entre "Monsieur tout le monde" et le "monstre sanguinaire". C'est un banditisme de menaces mais qui ne fait pas couler de sang, cette solution étant celle des oppresseurs.

Rabah Ameur-Zaïmeche fait alors de son récit une variation de l'idée de David contre Goliath, où le monde du banditisme se rapproche de la société. Les braqueurs agissent comme une classe populaire oppressée contre le richissime prince qui agit dans la plus grande impunité. Au milieu de ce tumulte émerge une question, celle de la punition face au crime, à laquelle le cinéaste répond en moraliste plutôt qu'en moralisateur. Par son atmosphère très calme et les relations entre habitants plutôt chaleureuses qu'il donne à voir, Le Gang des bois du temple dresse le portrait d'un "grand banditisme du quotidien", loin de celui à grand spectacle vendu par Cédric Jiménez dans Bac Nord et La French, ou encore dans la série Netflix Caïd. En restant proches de ses personnages et en limitant les scènes d'action au strict nécessaire, Rabah Ameur-Zaïmeche joue la carte modeste de la fraicheur et de l'humanité, dans un genre qui en avait besoin.


Mathis Slonski

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