Critique du film La Tour

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Par Super Seven

le 28/01/2023

SuperSeven :

Nicloux ni vis

Qu’il était redouté. Passé par plusieurs festivals — notamment Deauville —, La Tour de Guillaume Nicloux n’a vraiment pas fait l’unanimité… et ce n’est pas auprès du public de Gérardmer qu’il aura trouvé ses lauriers. Une légende raconte que Sylvie Pialat — productrice du film — a tellement aimé son passage au festival vosgien l’an passé qu’elle aurait mandaté le réalisateur de créer un film pour l’édition suivante (l’actuelle, pour les chanceux sur place). Si la rumeur est vraie, et qu’un lecteur ici a quelques notions de calcul, il peut vite se rendre compte qu’il a fallu réfléchir, écrire, tourner et monter en quelques mois… Cela dit, même sans cette légende, le public l’aurait quand même remarqué.

D’un concept particulièrement branlant — une espèce de The Mist bien franchouillard, bien fauché —, Nicloux annonce la couleur dès les cartons de production, à la laideur incomparable, qui introduisent le film : ça n’est pas bien écrit. Une ambiguïté se créée dans les dix premières minutes : La Tour serait-il volontairement parodique ? Une interrogation à l’élucidation rapide : tout le jeu sur une forme de camp — un regard ironique sur le matériel en question — est très vite balayé par un revers de caméra et d’un fondu au noir : 5 mois plus tard.

Ce n’est pourtant pas tout de suite désagréable. Des enjeux se posent — mais ne seront jamais réellement développés —, des fissions se créent et l’intérêt du spectateur, bien que de plus en plus en totale chute libre, se montre encore présent, à minima. Une certitude toutefois, Guillaume Nicloux n’a donné pour seule ligne directrice que la roue libre, dans l’écriture comme la direction d’acteurs. Tout sonne faux dans cette entreprise laborieuse de faire aller ses personnages d’un point A à un point B — non pas en y mettant quelques sabots, mais en y apportant l’entièreté de l’écurie. Seule une soudaine lueur d’espoir, à l’instar des éclairages de cette fameuse tour, apparaît pour conclure une pénible première moitié : une scène assez bien exécutée, comprenant enfin les problématiques de l’enfermement des habitants de l’immeuble et réussissant à imposer leur regard sur leur propre vanité. Malheureusement, c’est le début de la fin... 2 ans plus tard.

Euphémisme que de dire que rien ne va à partir de cette ellipse — et encore, ce n’est pas la dernière — tant la suite semble avoir été écrit par une intelligence artificielle… et pas un robot fonctionnel mais bien chargé de pop-up et peu développé. Toutes les décisions, qui auraient pu être (très peu) intéressantes si elles n’étaient pas balancées au visage du spectateur, s’empilent — le titre devient immédiatement plus compréhensible — sans jamais être explorées ni avoir un minimum d’intérêt narratif… L’influence principale ne tarde pas à apparaître : George A. Romero. La Tour bascule dans le film de zombies, ses personnages errant sans but, lueur d’humanité ou incarnation autre que corporelle ; le manque de préparation des comédiens saute affreusement aux yeux. La meilleure performance étant celle d’Hatik – contre lequel il n’y aucune animosité, il n’est simplement pas acteur à l’origine –, le reste des problèmes n’en est que plus évident.

La « brume » entourant les issues de ladite tour évoque bien le néant cinématographique ici à l’œuvre. Un lecteur assidu aura remarqué qu’il n’y a aucune mention de quelconque élément de mise en scène, ressort scénaristique qui ne serait pas elliptique, et c’est normal : il n’y a rien à dire. D’où le rêve de chaque spectateur : plonger la tête dans cette enveloppe noire et disparaître à tout jamais. Faute de cela, il ne peut que tenter d’oublier son existence, et phaser sur les 90 minutes de la Tour de Pis(s)e de Guillaume Nicloux.


Pierre-Alexandre Barillier

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