Par Super Seven
SuperSeven :
Narré comme un conte mais structuré comme un véritable drame mature et sanglant durant une guerre froide où tout regard bienveillant cache peut-être un espion du gouvernement opposé, La Forme de l’Eau amène derrière ce thème une romance déroutante entre la belle et la bête. Histoire naïve ? Drame réaliste ? N’y a-t-il pas un sens caché derrière cette oeuvre ?
Après l’indigeste et cliché « Pacific Rim » (2013) et l’intrigant « Crimson Peak » (2015), le réalisateur de « Hellboy » (2004) revient aux devants de la scène avec La Forme de l’eau. Désirant sans doute retrouver le lien perdu avec les adorateurs du « Labyrinthe de Pan » (2006), le réalisateur opte pour un ton plus poétique, de ces émotions étranges qui font la patte typique de ses films.
Si l’on pouvait comparer sa nouvelle oeuvre à un abricot (croyez-moi, tout cela a un sens) la chair du fruit, premièrement, serait le conte. Merveilleux, naïf à souhait, cherchant à tout prix à glisser de nombreux plans qui rappelleront entre autres les plus grandes oeuvres de Disney, on sent bien la volonté de garder un esprit d’enfant dans une enveloppe obscure. Ce qui nous amène à la pelure. On connaît l’univers Del Toro comme pouvant être particulièrement sombre et cruel. La Forme de L’Eau n’y échappe pas, certaines scènes sont d’une violence graphique terrible et à la foi jamais superflue, se faufilant là où on ne l’attendait pas forcément. Le tout sous les menaces d’une guerre secrète et inquiétante. Le noyau, enfin, constitue le fondement du film, la morale, le sens profond ou encore la parole inconsciente du scénariste.
Mais au fait, y’a-t-il réellement un noyau dans ce long-métrage ? Voyons ça de plus près.
Aimer une créature, un opposé… Ne pourrions-nous pas y voir dans la fiction de Guillermo Del Toro une manière de parler de la différence ? Pourtant, et même si tout menait à croire que La Forme de L’eau se dirigeait vers une narration sur un fond de moral abordant des thèmes comme le regard de l’autre sur l’amour d’une autre race, on ne la ressent pas vraiment à travers l’histoire. Les personnages ne réagissent pas négativement à l’amour qu’éprouve Elisa, mais aux actions qu’elle effectue pour parvenir à ses objectifs. La démarche est particulière et finalement la bienvenue. En évitant la redondance d’un discours interminable sur l’amour et ses barrières, on choisit de voir tout ça comme quelque chose de normal. Et c’est extrêmement rafraîchissant.
Même s’il est possible qu’un certain malaise se fasse ressentir lors de scènes sensuelles (simplement magnifiques), l’absence de jugement est agréable.
Passons maintenant au cadre et à l’ambiance du film. Les décors sont fascinants. La sobriété presque maladive des locaux du laboratoire souligne le travail conséquent de femme de ménage qu’effectue l’héroïne (qu’elle réalise avec plaisir en passant) là encore, aucune stigmatisation. « L’aquarium » est bien designé et l’effet visuel de la créature rend très bien à l’écran. Réaliste et modeste à la foi. La bande son est agréable à l’oreille et entretient le ton du film.
Les personnages principaux sont tous bien intégrés à l’histoire (un plus pour le colonel, interprété avec un machiavélisme exquis par Michael Shannon ) le point de vue se promenant entre chaque caractère, nous permettant ainsi de comprendre leurs volontés.
Au générique, on peut ressentir une frustration suite à la fin tout juste sortie d’une fable pour enfant et presque déçu de la voir se terminer avec tant de simplicité. J’aurais aimé pleurer à la fin, ça n’est absolument pas le cas, j’aurais aimé sourire et ça n’était pas le cas non plus. C’est abrupte et sans conteste le plus grand défaut du film. Maintenant, plus les heures passent, plus je repense à mon avis qui s’enthousiasme face aux souvenirs et aux sensations que m’a procuré La Forme de l’Eau. On pourrait lui reprocher sa naïveté mais c’est grâce à ça qu’on peut parler d’une histoire racontée par un enfant et mise en scène par un adulte. Les oscars pleuvent sur le film comme des critiques dithyrambiques. Je ne serai pas original cette fois-ci, moi aussi j’ai adoré.
Léo Augusto Jim Luterbacher