Par Super Seven
SuperSeven :
Après un grand retour avec The Visit en 2015, confirmé par ses deux métrages suivants, M. Night Shyamalan a finalement déçu en 2021 avec Old. Ne sachant jamais que choisir entre le ridicule de son scénario et le grand sérieux des intentions, ce dernier apparaît comme une proposition non pas horrible mais insuffisante et très oubliable, invitant à s’interroger. Shyamalan peut-il retomber dans les travers l’ayant condamné pendant sept ans aux échecs critiques et commerciaux, ainsi qu’à la perte de l’espoir que son seul nom augurait pour une génération de cinéphiles ? Or, si Old a tout du virage, voire de la sortie de route qui peut potentiellement inquiéter sur l’après, Knock at The Cabin allume l’autopilote et passe la cinquième.
Déjà, l’adaptation du roman de Paul G. Tremblay ramène « Shy » à une base plus simpliste ; Old enfermait les personnages sur une plage, un lieu entouré d’une aura et d’un concept particulier, tandis que Knock at The Cabin fait la même chose mais en bien plus maîtrisé, sans jamais se détourner de ses propres ambitions. Le cinéaste joue du scénario de Steve Desmond & Michael Sherman — qu’il a réécrit par la suite — pour s’amuser sur sa mise en scène, en recentrant bien plus le récit (et donc sa caméra) à l’intérieur de ce fameux chalet.
Ainsi, dès son introduction, Shyamalan impressionne, notamment via un champ-contrechamp de face, au désaxage croissant, faisant de la discussion innocente entre une petite fille et un homme imposant – par les seuls cadrages – une terrible source d’inconfort. De là une preuve d’intelligence dans l’adaptation. La conscience du caractère bancal d’un tel récit, d’autant que le roman est réputé comme difficile à retranscrire, implique un choix fort de réduire l’ambition au profit du caractère anxiogène que peut apporter le concept d’home-invasion.
Un choix qui implique aussi une débauche de créativité, qui prend vie par le jeu de caméra, orchestré de concert par Shy et Jarin Blaschke (également chef opérateur de The Lighthouse) dont la lentille anamorphique rend l’extérieur irréel, suffoquant tandis que l’intérieur, lui, permet une vraie fluidité, en s’amusant de la hauteur, de poutre… De ce double décalage par rapport aux attentes liées à ce genre, la surprise naît. Double car il y a d’une part le détournement du home-invasion, où la menace « entrante » se désamorce très vite d’elle-même, tandis que l’enjeu rebondit toujours entre les deux « camps » ; Knock at The Cabin refuse toutefois le manichéisme, et développe une ambiguïté du comportement de chaque personnage, faisant se questionner sur les agissements de tous.
Il ne s’agit en réalité pour Shyamalan qu’une manière de prolonger sa réflexion sur la croyance, thème qui irrigue sa filmographie. Si son seul nom laisse présager une myriade de sursauts scénaristiques, pouvant surprendre tout comme sortir du film, il prend cette attente à rebrousse-poils et pose les bases de son récit dès l’entrée en scène des envahisseurs : la liberté – pour le spectateur comme pour la famille du chalet – de croire ou non leurs prédictions apocalyptiques. Un acte de confiance qui étonne, et déroute particulièrement lors des discussions quant aux potentiels enjeux partagés par les personnages. Cette invitation à croire passe essentiellement par une relecture biblique contemporaine, plus précisément du Livre de l’Apocalypse (Les Quatre Cavaliers et les désastres qui suivent), sans pour autant tomber dans la lourdeur symbolique ou la surexplication théologique.
Knock at The Cabin joue donc d’une certaine finesse, du moins efficacité, qui mue en sensibilité et révèle une maturité dans l’épure de Shyamalan. Il brille dans sa rapidité à s’approprier un concept d’allure bancal, mais qui offre des parenthèses de caractérisation – déroutantes au début et bienvenues ensuite –, augmentant les enjeux et le caractère viscéral de ce qui se passe à l’intérieur du chalet. La belle direction d’acteurs — Dave Bautista et Kristen Cui (dont c’est le premier rôle) largement en tête – intervient alors comme la cerise sur un gâteau déjà délicieux. Plus qu’un regain d’espoir en Shyamalan, Knock at The Cabin est le premier rayon de soleil du beau temps après l’Apocalypse, réconfortant et jubilatoire.
Pierre-Alexandre Barillier