Critique du film Il mio corpo

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Par Super Seven

le 22/10/2020

SuperSeven :

S’il y une chose que le cinéma Italien a prouvé depuis le néoréalisme c’est sa capacité à capturer la vérité. Il s’agit d’un mouvement cinématographique né de cette envie de s’émanciper d’un cinéma romantique-bourgeois pour raconter l'état actuel de l’Italie, alors ravagé par la guerre et manquant de moyens, et ce en filmant les paysages et personnages en ruine dans l'inédit du quotidien.

« Il mio corpo » est l’héritage de ce courant, essayant d'être au plus proche de la réalité possible. Michele Pennetta nous montre ici sa façon de romancer le réel.
En effet, d’un côté, pratiquement rien dans son œuvre n’est de l’ordre de la fabrication - peu de mise en scène, pas de répétition ni de comédiens professionnels, dans un ensemble peu scénarisé -. De l’autre, on ne peut pas complètement parler de documentaire non plus, puisqu'ici il n’est pas question de nous informer sur la situation actuelle d’une Italie issue de la pauvreté ou de la situation du flux des migrants, mais plutôt de nous laisser juger de l’état de choses.

Michele Pennetta pose sa caméra là où se déplace réellement Oscar, un jeune Sicilien qui récupère de la ferraille avec son père et son frère tous les matins.
En parallèle il suit Stanley, nigérian, enchaînant les petits boulots donnés par un paroissien afin de conserver son statut relativement privilégié de migrant ; il bénéficie d’un toit et d’un titre de séjour à ce titre.

Tous deux rêvent d’une vie meilleure mais sont emprisonnés dans cette boucle infinie, cette routine qui les amène à devoir donner de leur corps et leur esprit à un travail pénible, sans perspective d’avenir - ou alors pas une dont ils rêvent -.
Marco se voit peut-être récupérer l’activité de ramassage de ferraille une fois adulte, et Stanley essaye juste de gagner de quoi vivre convenablement.
Le film alterne donc entre chacun des deux quotidiens, ce qui parfois laisse le spectateur, placé dans une position de voyeur, un peu pantois.

On s’interroge alors : y-a-t ’il une évolution? Vont-ils s’en sortir? Les personnages vont-ils se rencontrer?

Le quotidien de Marco est filmé de façon naturaliste - le réalisateur en effet avoue lui-même qu’il n’a fait que poser sa caméra et filmer ce qui se passe pour de vrai -. Il raconte que pour mener à bien son film il a passé plusieurs jours avec la famille de Marco, parfois même sans filmer afin qu’ils s’habituent à l’équipe de tournage. On suit son labeur très physique et épuisant, le tout sous les ordres de son père, sorti de prison depuis peu pour maltraitance envers ses enfants. Les seuls moments de liberté sont les scènes où il parcourt les rues Italiennes à vélo avec son frère qui parsèment des journées répétitives et difficiles.

Pour Stanley il y a un peu plus de diversité dans ses activités journalières car il exécute religieusement les missions confiées par un paroissien. On le voit cuisiner, se baigner avec un ami, profiter un peu de ce répit qu’offre le sol européen. On sent que malgré sa situation il ne se plaindra pas, il s’en est peut-être mieux sorti que certains de ses compagnons de voyage.

Durant ce montage alterné nous sommes plus observateurs que spectateur, on assiste tout simplement au déroulé de deux vies. Il n’y a pas d’évolution, ni de climax, de nœud ou de dénouement. Pas non plus de conclusion, pourtant on se demande si quelque chose va changer pour eux. Ce n’est qu'à la toute fin que nos personnages se croisent enfin, Oscar s’étant volontairement perdu pour fuir sa situation misérable et Stanley lui laissant aimablement son lit de fortune prêté pour sa mission. Muette et courte, la rencontre de ces deux âmes errantes, en quête d’une vie meilleure mais qui demeurent dans le flou du présent, de la routine et de la survie, s’avère touchante.


Équilibrant soigneusement entre le documentaire et la fiction, "Il mio corpo" peine légèrement à être marquant. On aurait voulu en voir plus de nos deux personnages plutôt que de les voir constamment dans leur quotidien. Peut-être fallait-t ’il passer plus de temps avec nos héros pour voir ou leur quête les amène et ce qu’il se passe après leur rencontre?
Cette histoire reste pour autant agréable à suivre, et met en évidence des personnes invisibles d’une Sicile jadis très riche dont il ne reste que les vestiges.



Nikolas "Kosby" Tillier

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