Critique du film I comete

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Par Super Seven

le 20/02/2021

SuperSeven :

UN ÉTÉ CORSE

Des enfants qui discutent sur la place du village. Une jeune fille qui flirte avec un inconnu sur internet. Des amis qui discutent passionnément de football. Un jeune homme qui prend soin d’une vieille dame. Un autre qui s’assoit à son piano et se met à jouer une mélodie nous donnant des frissons… Ce sont toutes ces petites histoires, et plus encore, que nous retrouvons dans « I comete » de Pascal Tagnati qui a reçu un prix spécial du jury à l’IFFR ce mois-ci. D’apparence déconnectés les uns des autres, ce qui réunit ces différents personnages c’est tout simplement la vie qui s’écoule dans ce petit village Corse durant les grandes vacances.

On pourrait rapprocher la manière de filmer les magnifiques paysages naturels de l’île de beauté dans des tons pastels très doux de celle d’Eric Rohmer. Mais la spontanéité et la lente contemplation de scènes du quotidien ont quelque chose qui relève plus des maîtres naturalistes que sont Pialat ou Kechiche. La caméra est posée, au milieu d’un café, d’une plage, d’une soirée dansante, et nous laisse examiner tous les petits détails de ces séquences qui s’étirent, parfois jusqu’au malaise lorsque Tagnati n’hésite pas à montrer frontalement des séquences de masturbations féminine comme masculine. Beaucoup craignent l’ennui devant les films n’ayant pas peur de faire durer des instants du quotidien relativement banals, mais ici le réalisateur permet à notre esprit de se reposer dans ce cadre idyllique, nous faisant nous sentir comme une partie intégrante de ce microcosme – même nous, les français, qu’ils réprouvent tant.

Nous sommes plongés dans un univers très attaché à sa culture et ses traditions, assez peu tourné vers l’extérieur. Mais le récit déconstruit aussi certains clichés sur les Corses, nous faisant ressentir énormément de sympathie pour chacune des personnes que l’on croise ; leur côté bourru devient particulièrement attendrissant. Des petits tracas, des histoires d’amour, des gros doutes, une envie de voyage, c’est tout ce tableau universel et terriblement humain qui est brossé sous nos yeux. Et si Tagnati cherche à capter l’âme de la Corse d’une manière presque documentaire, il permet surtout à chacun de s’y retrouver un peu. Au milieu de ce récit déconstruit et de cette mosaïque de personnages et situations se tissent tout de même des enjeux dramatiques, distillés ça et là. Ils passent notamment à travers Franje, le seul homme noir du village, s’occupant de sa grand mère et trempant dans des affaires d’argent dont on ne fait que deviner les enjeux. A travers lui on retrouve non seulement un lien entre les villageois, mais aussi des pistes de réflexions sur bien des thématiques comme l’identité, la famille, l’apport du tourisme à ces zones isolées où beaucoup prônent l’entre soi…

Malheureusement, la partition n’est pas parfaite et trouve en la maladresse de ses acteurs une fausse note. Comme les plus grands réalisateurs du mouvement naturaliste, Tagnati tourne presque uniquement avec des personnes locales, absolument étrangères au métier d’acteurs mais plus familières que quiconque avec les situations et l’environnement présentés. S’il est touchant de voir enfants comme ainés vouloir bien faire et s’appliquer à dicter certains dialogues, leur conscience de la caméra rend le ton assez faux dans un décor pourtant si vrai. «

I comete » représente toutefois un véritable rayon de soleil dans cet hiver morose, nous donnant des envies de vacances entre amis, ou avec notre famille. Une petite escapade de deux heures et quelques qui devrait trouver son public parmi les plus amateurs d’authenticité et de films légers qui parlent de tout et de rien, mais surtout de la vie.


Pauline Jannon

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