Par Super Seven
SuperSeven :
Lorsque l’on choisit un thème aussi choc, il faut savoir être précautionneux et doser avec justesse pour ne pas tomber dans le classique gore dénué de sens mais chercher à apporter un réel message aux travers des images ou/et un esthétisme artistique.
Est-ce un pari réussi ?
Dès les premières minutes du film, on sent immédiatement l’atmosphère nauséabonde que dégage « Raw », toutes les relations humaines semblent faussées, déguisées pour bien paraître. Il faut déjà relever une chose, tous les personnages secondaires donnent l’impression d’être malintentionnés, de la serveuse aux yeux défoncés, des professeurs frustrés comme du travailleur lambda pervers. Tout le monde vous veut du mal. Une manière comme une autre de renforcer ce sentiment de malaise constant.
Second élément à relever, la puissance de la bande son. Sans rien dévoiler, la première scène révélant la vraie nature de Justine est d’une force rare mais c’est avant tout le thème principal du film composé par James Williams qui la rend si bonne, parfaitement adaptée à la dramaturgie et la folie de l’instant. Et c’est sans hésitation la meilleure séquence du film. Tous les autres choix musicaux sont sélectionnés avec grand soin et amènent vraiment un plus aux plans.
Le scénario en lui-même se veut un peu compliqué par ses relations humaines. Le ton est donné, chacun garde sa noirceur depuis trop longtemps et finit par la libérer sous le poids d’une ambiance étouffante. Malheureusement, certaines réactions sont surfaites et uniquement présentes pour choquer son public - notamment la scène de l’accident -. Autant l’évolution de Justine est criante de vérité - de par un jeu d’acteur naturel et grinçant -, autant celle d’Alexia décrédibilise totalement l’histoire. On se retrouve sans cesse à se poser la question « mais pourquoi ? ». Et mettre la raison sur la folie où le sadisme ne justifie en rien sa palette de réactions toutes plus loufoques les unes que les autres. Comment peut on atteindre un tel niveau de justesse et faire effondrer le tout avec de telles erreurs ? Et ne parlons pas des clichés - surtout dans la dernière partie - qui font parfois tâches. Tout paraît exagéré pour renforcer son image. Heureusement que la fin, presque prévisible, réussit tout de même à étonner son spectateur.
Maintenant, au delà des quelques invraisemblances, le film possède sa propre identité, son style et son rythme. Graphiquement solide et novateur, le long-métrage de Julia Ducournau laisse tout de même l’écran éteint une sensation absolument désagréable qui poursuivra longtemps celui qui regardera jusqu’à la fin sans détourner le regard.
En conclusion, je ne peux que vous le conseiller, même si je n’ai pas été satisfait par toutes les scènes du film, je me dois de saluer l’effort de mise en scène, de la force de ses plans qui gravent à jamais la mémoire. Oui, le film cherche définitivement à choquer, à retourner la tête et ce sont les mêmes émotions qu’on trouve en visualisant un film d’horreur, mais on aurait préféré que l’importance du gore n’apparaisse que pour déstabiliser son public plutôt que de lui infliger des scènes qui n’apportent que du sang là où l’on aurait pu tourner les plans de manière à terrifier autrement, par la supposition par exemple.
Entre multiples prix et nominations, le long-métrage n’a pas fini de faire parler de lui. La presse et les spectateurs semblent l’aduler. Et je les comprends, le thème est nouveau, rare et absolument mémorable.
De mon côté, c’est avec l’estomac retourné et l’esprit troublé que je sors de l’enfer de « Raw ». Et si là était le but de la jeune réalisatrice, le pari est relevé.
Léo Augusto Jim Luterbacher