Critique du film Falling

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Par Super Seven

le 14/10/2020

SuperSeven :

Après avoir tourné avec bon nombre de grands réalisateurs et réalisatrices (David Cronenberg, Brian De Palma, Jane Campion, Gus Van Sant…), et bien sûr été le visage du mythique personnage Aragorn dans la saga Le seigneur des anneaux, l’acteur Viggo Mortensen passe cette année derrière la caméra.
On aurait pu croire qu’avec une pareille carrière les portes des sociétés de productions s’ouvriraient facilement à Mortensen, et pourtant l’existence de Falling relève presque du miracle. En effet, ce passage du côté réalisateur n'est pas un caprice d’acteur, puisque cela fait près de 25 ans que Viggo Mortensen essaye de faire produire ses films sans succès. Après avoir beaucoup bataillé, il arrive non sans problèmes à financer ce projet, et si l’on sent donc qu’il lui tient énormément à cœur, le manque de moyen peut aussi avoir quelques répercussions…

Falling est une histoire inspirée par le vécu personnel de Viggo Mortensen sur la démence touchant les personnes âgées. Il dilue ce sujet dans une fiction suivant Willis, un vieil homme gagné par la sénilité.
Passé et présent se mêlent donc dans cette histoire familiale à travers une série de flashbacks et parfois d'hallucinations. Ceux-ci ont le mérite de ne jamais être confus et de ne pas nous faire perdre le fil, appuyant plutôt la manière dont Willis vit dans ses souvenirs. Toutefois ils restent assez nombreux et ne sont pas toujours pertinents.
Ils nous font découvrir notre protagoniste comme un père maladroit voire même violent, un mari abusif et finalement un homme assez méprisable. Le contraste avec le présent est amusant puisque Willis est toujours aussi détestable dans sa manière vulgaire de s’exprimer lorsqu’il s’adresse aussi bien à des étrangers qu’à ses propres enfants. Pourtant, paradoxalement, on ressent plus de tendresse pour cet homme qui apparaît souvent comme totalement confus, plein de regrets qu’il n’exprime pas, et capable aussi d’aimer et de transmettre, comme vient le souligner sa jolie relation avec sa petite-fille.
Les rôles sont donc inversés entre Willis et son fils John, le père se comportant de manière impulsive, incohérente et égoïste, devenant dépendant de sa progéniture pour gérer son quotidien sans se mettre en danger. Il est bien sûr très difficile à accepter que la personne que l’on a élevé doive à son tour prendre soin de nous, et ce récit aux temporalités et générations multiples nous rappelle finalement l’aspect cyclique de la vie, qui nous ramène avec l’âge à notre état enfantin, de manière physiologique comme psychologique.

Dans le rôle de ce vieil homme désagréable et malpoli, mais aussi désorienté et ayant du mal à accepter sa condition, Lance Henriksen offre une performance totalement habitée, passant avec une certaine aisance d’un état à l’autre. On ne peut cependant pas en dire autant de l’ensemble du casting, un peu inégal, mais soutenu par un Viggo Mortensen - s’étant attribué le rôle du fils non pas par vanité mais bien par manque de budget - restant toujours juste, ce qui nous donne des interactions assez touchante.
Et l’acteur-réalisateur a encore plus de casquettes à son actif ! Il a en effet également composé la bande originale du film, une mélodie au piano discrète qui sait appuyer aux bons moments sans non plus trop se faire remarquer. Un travail minutieux a pareillement été opéré sur le mixage sonore, jouant avec les silences et les dissonances pour nous immerger un peu plus au cœur des troubles de Willis.

Malheureusement, les interprétations des deux acteurs principaux et une jolie musique ne suffisent pas et le résultat manque un peu d’émotions pour un sujet qui s’y prête pourtant si bien. On sent que le film aurait pu aller plus loin, nous faire rentrer plus en empathie avec John et peut être même Willis malgré sa personnalité contrastée, et pourtant le tout ne décolle jamais vraiment. La scène étant supposée être le climax émotionnel est à l’inverse trop poussée, comme une injonction à être choqué et ému, ce qui la rend moins crédible que ce qu’elle aurait pu être.
On peut également reprocher au film certains personnages tombant vite dans le cliché (les neveux de John par exemple) ainsi que des dialogues parfois un peu lourds, faisant s’éterniser des scènes ne s'y prêtant pas vraiment.

Falling est une œuvre douce qui reste dans la tête après son visionnage, mais accompagnée de l’impression amère qu’il y aurait pu avoir plus, que cela aurait pu être meilleur.
Il est assez triste de connaitre les difficultés accompagnant sa création, puisque Viggo Mortensen apparait tout de même dans ce nouveau rôle de metteur en scène comme un perfectionniste, à l’écoute de son équipe et rempli d’idées créatives, à qui il a manqué les moyens de ses ambitions.
On espère donc pour lui qu’il aura l’occasion de reprendre la caméra afin de nous offrir de nouvelles propositions plus à la hauteur de son potentiel et de sa générosité.

Et pour ce faire nous vous invitons donc à aller découvrir ce premier film dès le 4 novembre en salles !


Pauline Jannon

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