Critique du film En plein feu

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Par Super Seven

le 29/01/2023

SuperSeven :

La vache, j'ai chaud...

Le duo Quentin Reynaud - Alex Lutz avait déjà frappé un grand coup avec le drame sportif 5ème Set. Le tennis n’y était qu’un prétexte pour parler de sujets plus profonds sur les limites physiques d'un homme et sa volonté de ne jamais abandonner quel qu'en soit le prix, or ce sont ces mêmes velléités narratives qui nourrissent En plein feu, l’incendie n’étant qu’un vecteur à l’étude de liens familiaux et d'héritage au coeur.

Simple survival sur un père et son fils (André Dussolier et Alex Lutz) piégés par un immense incendie, En plein feu a de quoi étonner dans le cadre d’un festival comme Gérardmer. Or, sa présence ici se justifie par sa seule mise en scène. Prenez l’introduction et ces plans en extérieur, de nuit, où l'on voit les habitants d'un quartier résidentiel implorer désespérément une pluie providentielle pour calmer les feux qui ravagent la région depuis des semaines. Reynaud, en cinéaste cinéphile, filme cela comme une invasion extraterrestre, avec un mélange d'inquiétude et d'appréhension pouvant se lire sur les visages des personnes scrutant le ciel, lequel est bercé par des tons bleus vifs très démarqués d’une lumière “réaliste”. Cette mécanique du renvoi opère tout du long, notamment dans des scènes de balade au cœur d’une forêt dévastée, plongée dans une ambiance de désolation à l’esthétique post-apocalyptique. Cet écho prend d’ailleurs un sens plus profond en ce qu’il procède de la dimension écologique à l'œuvre ; difficile de ne pas voir une réponse aux grandes sécheresses récentes, ainsi qu’aux feux multiples, fruits d’un dérèglement climatique loin d’être maîtrisé.

Reynaud n’arrête pas là son petit jeu de citation, qui donne même une réelle force narrative. Le feu – élément central du récit –met un certain temps avant d’être révélé, rendant la scène d’introduction déjà citée abstraite, en ce sens où elle se rapproche également des kaijus – films de monstres en japonais, à la Godzilla – où l'apparition de la menace est repoussée malgré une attente constante. On glane des indices ça et là, dans les communications radio des pompiers, dans une pluie de cendres lorsque le feu se rapproche, dans les volutes de fumée dégagée par celui-ci au loin. Reynaud abat ses cartes avec minutie, faisant de la lente combustion de son récit une véritable montée en tension qui tient le spectateur en haleine avant de le frapper subitement, au moment où lui aussi se croit sorti d'affaire.

Ce sens de l’efficacité vaut aussi pour la présentation et la caractérisation des personnages. Point de dialogues forcés ou superficiels, seule l’action - le cinéma donc ! ici exprimé à travers 1h25 effrénée et irrespirable - et les différentes réactions face aux dangers font office de développement. Pourtant, au coeur de cette tension permanente, En plein feu surprend par un certain sens de la poésie, par des instants de calme avant la tempête qui s’opposent à la désolation prégnante ; la balade citée plus tôt évidemment, quasi mystique avec ce personnage en perte de repères (sur les plans physiques et émotionnels) qui voyage dans un monde qu'il ne reconnaît plus. Il suffit qu’il regagne sa maison, où une rencontre l’attend, pour que son humanité revienne.

Rares sont les cinéastes qui, en à peine deux longs métrages, affirment avec autant d’aisance une capacité à lier efficacité et malice, rudesse et poésie. Reynaud est de ceux-ci, et En plein feu la preuve que le dernier point du 5ème Set passé, il l’avait bien remporté.


Axel Journet

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