Par Super Seven
SuperSeven :
Drive aurait pu ressembler à l’un de ces multiples films de mafieux et de course-poursuite, vus et revus ; d’où l’a priori au lancement du film, et ce malgré la mention du prix de la mise en scène au Festival de Cannes.
Je n’ai pas tardé à me ressaisir, notamment après avoir été confrontée au charisme froid de Ryan Gosling. Ayant l’habitude de le voir dans des rôles de « beaux-gosses » un peu limités (comme dans Crazy Stupid Love, par exemple), ayant la côte auprès des femmes et des passionnés d’histoire à l’eau de rose (c’est ici que je me sens obligée de citer La La Land), ce changement de registre a attisé ma curiosité et m’a rapidement transportée dans le film.
Mais Ryan Gosling n’a pas uniquement motivé mon envie de continuer le film ; en effet, le personnage qu’il interprète est également intéressant.
Le chauffeur. C’est un personnage sans nom, qui nous rappelle un peu Le Narrateur de Fight Club, sauf que ce dernier opère une sortie de l’ombre absolument remarquable et – également terrifiante. Il a plutôt tendance à se chercher une identité, et ne souhaite pas forcément à ce que l’on s’identifie à lui, puisqu’il n’est jamais totalement satisfait de ce qu’il se fait devenir au fur et à mesure du film.
Ce n’est pas le cas du chauffeur, qui ne prend pas de détour. Il est carré, clair et strict ; ses règles sont les mêmes pour tout le monde, et personne ne prend la peine de les réfuter. Un homme avec la tête sur les épaules, qui arrive à ses fins en sachant s’imposer.
Aux premiers abords, il peut donc paraître froid et dénué de sentiment, le transformant en une sorte de anti-héros au charisme glaçant et hautain. Mais ce n’est que la façade d’un homme victime de sa solitude et d’une routine qu’il subit. Les plans seuls dans sa voiture sont là pour le démontrer, et la distance qu’il instaure avec les personnes qui l’entourent ne fait que le confirmer. La seule amie du chauffeur, c’est bien sa voiture.
Une solitude qui va évoluer tout au long du film, notamment avec la présence du personnage d’Irene (interprétée par Carey Mulligan), sa voisine de palier de qui il va rapidement devenir proche. Passer du temps avec elle semble l’épanouir, et on le remarque beaucoup avec les jeux de couleurs et de lumières.
Les couleurs tournent essentiellement autour du rouge et du bleu, avec des teintes qui diffèrent en fonction de l’ambiance et s’accordant à l’humeur du chauffeur. Lorsqu’il se trouve avec Irene, les couleurs sont claires et les scènes se passent souvent en extérieur durant la journée. Et même si elles se passent parfois en intérieur, il y a toujours de la lumière qui passe dans la pièce où ils se trouvent. Lorsqu’ils se retrouvent toutefois séparés, les scènes se passent souvent la nuit, et le bleu rend l’atmosphère plutôt froide.
Il y a deux scènes où ce jeu de couleur et de lumière est principalement observable, notamment celle où ils passent une journée tous les deux, avec le fils d’Irene. C’est la scène où il y a le plus de lumière dans le film, et c’est l’une des rares où l’on peut apercevoir le chauffeur sourire. De plus, la scène diffère des autres, notamment parce qu’elle semble être en dehors de la trame de l’histoire.
Dans la deuxième scène, ils se trouvent dans deux pièces différentes, et les jeux de couleurs traduisent leur émotion et le caractère de leur personnage. Irene porte une robe rouge et se trouve dans une pièce lumineuse et festive, alors que le chauffeur est seul dans son appartement, les volets fermés, une lampe de chevet se contentant d’éclairer sa chemise bleue. Irene est donc la représentation de la lumière – notamment de celle du chauffeur, et lorsqu’elle n’est pas là, il semble se terrer à nouveau dans cette solitude qui le rassure tant.
Les couleurs deviennent plus sombre au fur et à mesure, notamment lorsque les personnages sont en danger. La deuxième partie du film tourne principalement au thriller, avec des courses contre la montre. Cependant, le suspense en devient presque douloureux pour l’avenir des personnages. On ne sait pas ce qu’il adviendra d’eux, et si leur avenir sera aussi pesant que l’atmosphère instaurée. On note que la bande son n’est même plus là pour encenser le parcours du chauffeur, mais plutôt son destin funeste. Les va-et-vient du chauffeur dans les rues de Los Angeles, au son de Nightcall me faisait me sentir déjà mélancolique, me faisant presque regretter l’ancien chauffeur qui ne se préoccupait que de ses petites affaires.
A ce moment-là, la solitude n’était-elle pas une sorte de protection ? Et la lumière de la fin du film est-elle suffisante pour assurer une fin heureuse au chauffeur, qui se doit désormais de choisir entre sa solitude tant adulée, et le sentiment de se sentir enfin désiré par quelqu’un ?
Drive est un bon film noir, qu’il ne faut cependant pas regarder dans le but de se changer les idées. C’est un film avec une idée aboutie, avec une maîtrise du personnage principal, censé arriver à un résultat particulier. En le regardant d’un œil distant, il sera difficile de comprendre le fond d’un scénario à couper le souffle, avec un jeu de lumière maîtrisé où les émotions se ressentent et passent facilement. Mais logiquement, le film Drive ne vous laissera pas de marbre, et vous plongera dans l’ambiance dès le début.
Karma