Par Super Seven
SuperSeven :
MID-SE-MARRE
Comment avoir passé les derniers mois sur les réseaux sociaux sans avoir entendu parler de Don’t Worry Darling, le second projet d’Olivia Wilde après le très sympathique Booksmart ? Conflits sur le tournage, adultères, crachats éventuels à Venise… si tout cela semble sorti d’Amour, Gloire & Beauté, c’est bien toutes les coulisses du long-métrage qui ont tenu en haleine cinéphiles et internautes et ont beaucoup fait parler d’un film dont il n’y a finalement pas grand chose à dire.
Avec un marketing ne levant pas les voiles sur le mystère qui entoure l’Amérique dorée fictionnelle de la réalisatrice, Warner joue gros sur Don’t Worry Darling, passé par Venise il y’a quelques jours seulement et qui sortira en salles le 21 septembre dans nos contrées. Clôturant le Festival de Deauville, il nous y a même été demandé de sceller nos téléphones dans des pochettes plastiques, les vigiles étant armés de longue-vues afin d’observer le moindre reflet de lumière qui aurait pu émaner d’un spectateur ayant le malheur de regarder l’heure durant les 123 minutes qui composent le métrage.
Tout ça pour ça ?
Oui, Don’t Worry Darling n’est pas très intéressant, tant dans sa mise en scène que dans son scénario plat et sans rebondissement qui pourrait accrocher davantage le spectateur. En effet, la nouvelle réalisation de Wilde semble n’être qu’un hors-série de Black Mirror que l’on aurait réservé pour la salle, avec des sabots tellement énormes qu’il serait difficile de ne pas l’entendre arriver — ce que l’on appelle plus communément Vivarium dans le milieu. Car, si vous ne l’aviez pas compris par la publicité faite sur le film mais également son histoire : Don’t Worry Darling est sur le patriarcat et sur le contrôle de la femme. Il semblait important à Olivia Wilde de montrer une femme reprenant le contrôle de sa vie, semblant parfaite, et combattre ceux qui pensent pouvoir décider pour elle. Un film très original, donc... Si le sujet est déjà vu et revu – surtout actuellement –, il est possible de bien le traiter, en tout cas mieux que ça. On peut sûrement accorder à Wilde d’avoir voulu insuffler un peu de fantastique dans une vision si peu nouvelle, mais cela s’arrête là.
Néanmoins, le film a quand même ses qualités. Florence Pugh y est – comme à son habitude – rayonnante et juste. Elle incarne parfaitement Alice et on y croit.
Harry Styles, lui, est à l’image du film : une belle enveloppe dont nous n’avons pas grand chose à en tirer. Principalement chanteur, Styles n’a peut être pas compris que nous ne sommes pas à un concert : crier sans réelle conviction ne créera pas de mouvement de foule et d’applaudissements. De son côté, Chris Pine pourrait incarner un antagoniste charismatique et qui use de son pouvoir de chef, voire même de leader de culte (disons-le), mais il n’est finalement que très peu présent et se fait expulser du film de manière franchement risible. La menace n’est pas ou peu personnifié, dur alors de suivre Alice dans son combat contre ce monde fantaisiste dont elle veut se libérer.
Si l’on ne peut retirer quelque chose au film, c’est bien ce que l’on appelle le « travail de l’ombre ». Des décors somptueux aux jeux sur les couleurs des costumes, l’équipe technique du film emballe extrêmement bien l’histoire plate que l’on essaie de nous faire gober. La réalisatrice peut notamment remercier Kathy Byron, Arianne Phillips et Matthew Libatique — respectivement aux décors, aux costumes et à la photographie — pour leur travail, tant il contribue à la force visuelle que Wilde tente parfois d’apporter au film. Malheureusement, là où nous aurions pu penser à une idée de mise en scène sur les couleurs, très vives au début puis devenant terne au fil des découvertes sordides d’Alice, il n’en est finalement que très peu, la photographie et l’ensemble redevenant très coloré sans raison valable.
Parlant de mise en scène, il y a peu de choses à dire. Certes, quelques plans sont bien composés, avec des visuels étranges et intrigants, mais rien de bien différent de ce type de films aux budgets similaires. Certains plans pourraient même laisser poindre l’idée qu’ils ont été pensés simplement pour que des comptes axés sur le cinéma partagent ceux-ci sur leurs réseaux sociaux, alimentant donc un peu plus la fausse aura du film.
Ainsi, tout ça pour ça, oui. Si Don’t Worry Darling n’est pas une immondice ou un énorme raté, le spectateur l’aura néanmoins oublié dans les deux heures suivant sa séance. Dommage… les nombreuses infortunes autour du film furent bien plus plaisantes à vivre que le visionnage. Alice arrivera-t-elle à se libérer ? Ce n’est pas si intéressant. Finalement, une seule vraie question se pose une fois le générique terminé : Harry Styles a-t-il vraiment craché sur Chris Pine à Venise ?!
Pierre-Alexandre Barillier