Critique du film Conjuring : Sous l'emprise du Diable

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Par Super Seven

le 20/06/2021

SuperSeven :

La saga Conjuring s’inscrit comme le porte-étendard du cinéma d’horreur contemporain à gros budget. Aux côtés d’Insidious (également créé par James Wan), l’idée n’est plus seulement d’effrayer son public par des sursauts, mais d’y intégrer une mise en scène novatrice, carburée par une trame solide. Les œuvres du créateur de Saw cherchent avant tout à marquer leur époque en s’appuyant sur une réalisation efficace tout en s’intégrant dans un genre commun pour satisfaire tous les regards.
Si le premier volet du Conjuring Universe convainc avant tout pour ses scènes devenues cultes (la séquence du cache-tape notamment), le deuxième joue sur la mise en place d’une nouvelle icône de l’horreur, La Nonne (Bonnie Aarons) un antagoniste traumatisant. Le troisième épisode, quant à lui, a la lourde tâche de porter sur ses épaules les attentes conséquentes du public, non seulement parce qu’il est le premier de son genre à sortir sur grand écran à la réouverture des cinémas, mais également car il suit deux longs métrages acclamés tant par la presse que par les spectateurs.
Autant être franc, Conjuring The Devil Made Me Do It (traduit Sous L’Emprise du mal en français) ne s’intègre aucunement dans la veine de ses prédécesseurs.

Il va même décevoir plus d’un spectateur. La sensation de montagne russe émotionnelle ressentie dans les premiers films semble mise de côté au profit d’un scénario plus complet. Le spectacle s’efface pour provoquer les sentiments. La volonté de faire sursauter ses spectateurs se fait toujours ressentir, mais une sensation de lassitude de la part de Michael Chaves face à la facilité du jump scare se ressent sur la durée. La majeure partie des soubresauts endurés par le public durant le film ne relève que de fausses frayeurs (où quand le cerveau nous joue des tours). Peut-on alors penser que le réalisateur s’est agacé du principe ? Un choix logique au vu de la nouvelle vague de cinéma d’horreur indépendant qui cherche justement à s’en défaire à tout prix. N’importe qui peut créer la surprise en imposant un screamer à quelqu’un qui ne s’y attend pas, mais rares sont ceux qui arrivent à imposer une ambiance angoissante par la simple suggestion de son arrivée imminente.

Conjuring The Devil Made Me Do It s’inscrit donc dans une veine plus indie. Une décision qui se ressent à tout point de vue, mais qui manque d’impact pour la trilogie. Le film offre un regard plus proche du documentaire qu’auparavant, avec un jeu horrifique teinté de réalisme qui n’a jamais été autant poussé que dans ce troisième chapitre (ne ratez pas le générique !). La licence est avant tout célèbre pour être basée sur des faits réels, bien que de nombreuses enquêtes des Warren sont aujourd’hui nuancées par les autorités et les victimes elles-mêmes. Sans partir dans un récit dénué de surnaturel, l’œuvre propose une ligne de fuite vers la folie là où Conjuring 2: Le Cas Enfield en proposait une vers la supercherie. Si le film en lui-même n’est pas mémorable, le cadre de l’affaire a réellement défrayé la chronique ; certains membres de la famille ont témoigné pour soutenir les propos du script, et un exorciste a véritablement veillé au bien-être de l’équipe de tournage. Ce sont ces détails qui rendent la trame efficace. Malheureusement, le film ne se dote d’aucune séquence marquante. Si le scénario se tient, l’habillage du Conjuring Universe et son excellent casting sauve le long métrage.

L’introduction du film accroche instantanément son spectateur, le scénario inverse la méthodologie du genre, en optant pour ce qui pourrait s’apparenter à l’esprit d’un final d’un Conjuring et non son habituel départ en douceur. Un choix osé qui supprime la satisfaction de voir le mal s’immiscer tranquillement dans la vie des victimes.
Le schéma traditionnel du film d’horreur à gros budget (emménagement - possession - faits troublants - faits traumatisants - exorcisme - bannissement) cède à un changement drastique. Les poncifs du genre sont survolés, passant à une construction policière. Le scénario ne tourne plus en faveur d’une descente aux enfers, au bénéfice d’une course contre-la-montre digne d’un thriller des plus classiques. Les rebondissements perdent en surprise tout comme l’antagoniste manque de saveur. Fort heureusement, costumes, maquillages et effets spéciaux visent juste à chaque instant.

La patte de James Wan, toujours présent au scénario et à la production, se ressent encore au travers de la mise en scène, léchée bien qu’effacée en comparaison avec ses autres projets. Aucun plan séquence notable, la caméra habituellement « dansante » du réalisateur opte pour du conventionnel, soutenu par un montage efficace et un rythme efficient. La photographie de Don Burgess qui avait sublimé l’image de Conjuring 2 manque à l’appel. C’est au plus classique John R. Leonetti (présent sur Conjuring 1: Les Dossiers Warren ainsi qu’Insidious 1,2 et 3) que la tâche a été confiée. Si son travail sur la lumière est irréprochable, alternant entre éclairages variés et coins de noirceur terrifiants, sa proposition sur les mouvements de caméra s’avère moins concluante que dans les deux premiers films.

La bande-originale de Joseph Bishara, habitué de la licence, habille convenablement la trame, bien qu’aucun thème ne reste en tête ; son travail d’antan sur Insidious manque terriblement au cinéma d’horreur actuel.
Bilan mitigé pour Michael Chaves. Après un premier film catastrophique (La Malédiction de La Dame Blanche, 2019), son second pas dans l’horreur parvient enfin à convaincre tout en offrant à la saga un rafraîchissement important. Le long-métrage remplit toutes les conditions d’un film correct et divertissant sans s’imposer comme un nouvel étalon dans l’horreur blockbusting, ce qui malheureusement devrait rimer avec Conjuring.


Léo Augusto Jim Luterbacher

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