Critique du film City on Fire

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Par Super Seven

le 25/04/2021

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Lorsqu’il s’agit d’évoquer le cinéma néo-noir, impossible de ne pas faire une escale à Hong Kong tant l’ex colonie britannique est le berceau de nombreux chefs d’œuvres du genre dans les décennies 1980-1990. On pense tout d’abord aux polars hard-boiled de John Woo, adaptations sauce triades du cinéma de Melville. Le film le plus représentatif de cette tendance est certainement The Killer (1989), hommage/relecture assumée du Samouraï (1967), avec le charismatique Chow Yun Fat en alter ego un brin cabotin du taciturne Alain Delon. A l’opposé de ces métrages teintés d’esprit chevaleresque traditionnel et de mélo, on retrouve City on Fire (1987). Première réalisation de Ringo Lam, ce dernier s’inspire bien plus des errances urbaines réalistes du Nouvel Hollywood – on pense surtout au French Connection (1971) de Friedkin – que du romantisme gris melvillien.

Après nous avoir montré l’assassinat brutal d’un policier infiltré dans son introduction, City on Fire nous présente Ko Chow (Chow Yun Fat, encore lui), flic désabusé chargé par sa hiéarchie de rejoindre un gang de braqueurs ultra-violents, ce qu’il accepte uniquement dans l’espoir de pouvoir venger la mort de plusieurs de ses collègues. Il finit par se lier d’amitié avec Fu, un des bandits (interprété par Danny Lee, lui aussi au casting de The Killer), personnage sympathique et illettré, fils de voleur n’ayant eu d’autre choix que de marcher dans les pas de son père. Malheureusement, l'aliénation des personnages les mène inexorablement dans une situation désespérée, l’impasse mexicaine finale comme expression visuelle et scénaristique des relations tendues entre les protagonistes et leur milieu (on peut noter que Tarantino pompera allègrement ce final ainsi que d’autres éléments du film dans son Reservoir Dogs en 1992)

Comme on peut s’en douter au titre, la métropole aux sept millions d’habitants tient un rôle primordial dans City on Fire. Les cinéastes hongkongais de cette époque ont souvent un rapport à la ville teinté d’une hystérie nihiliste, et pour comprendre cela il faut avoir conscience que la rétrocession du Port Parfumé à la Chine communiste approchant, l’avenir est plus qu’incertain pour ses habitants. C’est pourquoi, dans City on Fire, Hong Kong n’est pas uniquement un cadre à l’action, mais aussi un obstacle pour les protagonistes. Un obstacle physique car les personnages s’y perdent sans parvenir à s’y cacher, mais un obstacle surtout allégorique : tous les rêves, toutes les relations amicales ou amoureuses sont vouées à l'échec, aucun futur n’est envisageable dans cette “cité en feu” aliénante. Derrière cette histoire de gangsters et de policiers se cache un témoignage historique des obsessions qui hantent la société.

En introduction nous évoquions l’ultra-réalisme de l’auteur. Il se trouve que ce caractère s’incarne aussi dans le traitement visuel d’un élément omniprésent à l’écran : la violence. La norme pour ce genre de production est la sur-esthétisation de cette dernière, avec un découpage et des chorégraphies hérités du cinéma d’art martiaux. Ringo Lam se démarque de cette approche divertissante en y préférant une représentation brutale et viscérale qui permet, sans être avare en excès graphiques, l’ancrage de son récit dans une réalité sordide. Sur ce point précis on peut même s’amuser à voir City on Fire comme une antithèse (anachronique) du susmentionné The Killer, les deux films ayant énormément en commun, à commencer par leurs têtes d’affiches.

Véritable pépite du néo-noir de Hong-Kong, le film n’est hélas disponible en France qu’en VHS (HK Vidéo). Pour un DVD ou un Blu Ray, pas d’autre choix que de se tourner vers l'import. Si vous voulez creuser la filmographie de Ringo Lam, sachez que City on Fire est le premier volet d’une saga comprenant trois autres excellents films : Prison on Fire 1&2 (1987-91) et School on Fire (1988).


Lucas Reboah

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