Critique du film Le capitaine Volkonogov s'est échappé

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Par Super Seven

le 03/04/2023

SuperSeven :


QUÊTE D'UNE RÉDEMPTION IMPOSSIBLE

Leningrad, 1938, Staline fait le tri dans ses rangs. Voyant son supérieur se suicider devant lui, le capitaine Volkonogov se rend compte qu’il est condamné, et s’échappe. Commence une course poursuite endiablée dans les rues de la ville, dans le tramway, les cours d’immeubles et appartements, entre le NKVD et le capitaine, désormais ex-membre du service. Une scène d’horreur inhumaine déclenche chez lui une vision, lui mettant dans l’esprit l’idée qu’il doit être pardonné de ses fautes pour avoir accès au paradis.

Notre Jason Bourne en bottes noires se métamorphose petit à petit en Raskolnikov de Crimes et Châtiments (Dostoïevski) désespéré, tentant à tout prix d’obtenir le pardon de l’impardonnable, c'est-à-dire les accusations arbitraires, la torture la plus sanglante, les exécutions et le meurtre. Pourtant, en souhaitant faire le bien, le capitaine n’apporte autour de lui que la violence et les flammes. Toutes ses tentatives de réconciliation se terminent par des coups, fusillades ou suicides, révélant un soviétisme gangréné par la violence et le mensonge.
Car c’est bien la barbarie et la sournoiserie de la répression stalinienne qui sont dépeintes ici. Les fonctionnaires s’expriment principalement par manipulations ou intimidations, et, lorsque cela ne marche plus, par la torture et les armes. La distance chronologique n’empêche ici pas de penser au rapport de Vladimir Poutine à la gestion intérieure de son pays, d’autant plus quand on sait à quel point il est admirateur de Staline et est lui-même un ancien fonctionnaire issu des services secrets soviétiques. Les excès du régime sont frappants. La violence y est banalisée et organisée dans des lieux parfaitement aménagés pour, où l’on se vante d’exécuter en une journée une petite quarantaine de condamnés avec tout pile une balle par homme, pour gain de temps et d’argent. La vie humaine n’a plus de valeur, et le stalinisme, guidé par un fantasme de l’ordre et une paranoïa déraisonnée, s’éloigne de l’image mythique de la Mère Patrie pour se rapprocher fortement d’un parent violent et manipulateur qui, plutôt de chérir ses enfants, les traque, les enferme et les assassine.

Le capitaine trouve tout de même, au sein de la tempête qui l’entoure, des personnages qui lui montrent la voie du pardon. Cet enfant, cet homme et cette vieille femme sont-ils réellement des allégories ou des surinterprétations de l’homme perdu ? Lui qui a déjà été soumis à une vision, pourrait très bien ici encore être victime de son esprit perdu. C’est lorsqu’ils sont au fond du trou que les hommes tentent définitivement de se raccrocher à quelque image, quelque quête insensée, sans même savoir vraiment ce qu’ils recherchent. Or, c’est bel et bien au bord du précipice et du désespoir que Volkonogov, à l’instar du stalker d’Andreï Tarkovski, se rattrape à la moindre branche, cherche le moindre radeau, et s’attache à la moindre personne, aussi insignifiante fusse-t-elle, pour réussir à se racheter, à parvenir au pardon et au repos éternel de l’esprit, après une trop courte vie marquée par la violence et le mépris pour l’âme humaine.


Maxime Grégoire

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