Par Super Seven
SuperSeven :
VERS L’EMANCIPATION
Inés Barrionueva, que l’on connaissait déjà pour Julia y el Zorro, dresse avec Camila sortira ce soir le portrait d’une adolescente de 17 ans, brillamment incarnée par Nina Dziembriwski, qui à la suite d’un déménagement précipité à Buenas Aires, intègre un lycée ancré dans des traditions bien arrêtées. Face à l’autorité, la jeune fille en pleine période d’éclosion s’assume et s’impose par son style vestimentaire, par ses convictions, par sa sexualité…
Inés Barrionueva capte avec aisance l’envie de liberté que l’on ressent à 17 ans ; cette période de vie où tout semble encore possible, libre d’accès, mais où tout va trop vite, où il faudrait absolument déjà savoir qui l’on est. La caméra suit Camila de près, l’honore, la scrute avec tendresse, reste à sa hauteur, tandis que celle-ci demeure insaisissable et ne laisse paraître que des fragments de sa personnalité ; comme toute adolescente qui se cherche et se construit.
La liberté à laquelle elle aspire reste néanmoins encadrée, littéralement, d’où sa permanente fuite en avant, contraignant la cinéaste à rester dans son dos. Elle est à l’image d’une génération qui tente de ne pas baisser les bras quant à son avenir, face à une adversité globalement incarnée par des adultes médusés. Autour des jeunes en devenir les aînés sont absents : la grand’mère de Camila est mourante, sa mère se fait vite oublier… En opposition aux adolescents, les adultes semblent incapables à réfléchir par eux-mêmes, résignés par un système qui laisse peu de place à un renouveau.
Le jour est dicté par la règle des longs uniformes où rien ne transparaît, alors que la nuit est le moment de libération pour Camila avec ses amies, qui peuvent se parer de leurs plus belles tenues d’été. L’adolescente s’autorise le droit de découvrir son corps et se sent le droit de s’épanouir dans son désir, qu’importe que ce soit avec un garçon ou avec une fille de son âge ; ce n’est jamais montré comme un tabou au sein de la famille de Camila, même pour elle-même.
Par ailleurs, Inés Barrionueva démontre un véritable respect et une bienveillance évidente dans sa manière de filmer les corps, notamment féminins. Lors d’un rapport sexuel entre Camila et la fille qui lui plaît, elle maintient une certaine distance, laissant les corps sous des draps bleutés pour une scène imprégnée d’une rare pudeur.
Le cri du cœur de Camila pour une révolution féministe fait ainsi écho au cri de la réalisatrice elle-même. Camila sortira ce soir, loin de l’annonce d’un coming out que le titre laisserait supposer, concerne plus l’envie de se sortir des codes et des dictats imposés, notamment en tant que jeune fille, plus encore à l’âge de 17 ans.
Talia Gryson
