Critique du film Bonne Conduite

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Par Super Seven

le 17/04/2023

SuperSeven :


PÉDALE DE FREIN

Bonne Conduite de Jonathan Barré envoie Laure Calamy trucider en voiture des automobilistes un peu trop négligents sur le code de la route. Un film avec un réel potentiel sous le capot mais qui la joue un peu trop sage au volant.

Jonathan Barré, ce nom vous est-il seulement familier ? Un souvenir brumeux remonte peut-être en tête : déjà vu au générique à la fin d’un sketch du Palmashow sur le web, ou au cinéma, lors du prolongement sur grand écran des deux comiques dans La Folle Histoire de Max et Léon et Les Vedettes. Cette absence de discernement entourant le bonhomme s’excuse facilement. Sur deux films et une grosse centaine de sketchs, difficile de lui tracer la ligne d’un style immédiatement identifiable, hormis des sortes de téléfilms plutôt luxueux mais un peu décatis. C’est la première bonne surprise de Bonne Conduite. Pétri de références cinéphiles (l’intro stylisée à la Drive, contrariée par un gag qui donne immédiatement le ton parodique de l’ensemble, ou la scène avec les mouettes comme écho bouffonnant aux Oiseaux) et jouant astucieusement avec son montage, le film témoigne d’une belle montée en gamme cinématographique de son réalisateur. Pas de quoi monter au plafond, mais une envie sincère de montrer un peu de personnalité, loin de la paresse qui frappe parfois le tout venant de la comédie populaire française.

Cette volonté de démarcation se retrouve dans le choix du lieu de l’intrigue (un village paumé de Bretagne, dans une vision piquant l’imaginaire pittoresque de Guy Ritchie, avec sa galerie de méchants entre gitans tatoués et armateurs frauduleux et la saisie tendre d’un jeune qui a beaucoup vadrouillé dans le coin) mais surtout dans la mixtion thématique que concocte Barré. Inventaire rapide : Bonne Conduite est à la fois film de vengeance (Laure Calamy se la joue serial killer sur les routes, pour réparer le meurtre par un chauffard de son mari), buddy movie, comédie sentimentale — l’histoire d’amour avec Thomas VDB — et film noir. Dans ce mille feuilles un peu bourratif, le meilleur relève de la pure comédie, quand Barré s’appuie sur son formidable duo David Marsais – Gregoire Ludig en inspecteurs dépareillés et pas finauds pour retrouver, à l’occasion de certaines saynètes presque montées comme des sketchs autonomes, le génie parodique du Palmashow. On le sent par contre tout de suite moins à l’aise dès lors qu’il doit travailler la psychologie de ses personnages — en témoigne l’explication lourdingue et froussarde pour justifier les crimes de Calamy —, gérer le mélange de genres à l’intérieur même du dispositif d’une seule scène, ou même fabriquer un morceau d’action avec une spatialisation à peu près crédible et convenable.

Voilà un peu l’impasse dans laquelle cale Barré. Ce n’est jamais assez bidonnant pour toucher la jouissance d’une pure comédie couillonne, ni assez furieusement trash et maîtrisé pour se placer en prolongement d’un Boulevard de la Mort (dont il se rapproche thématiquement) ou même du Oranges Sanguines de J.C Meurisse, dont la radicalité noire et sardonique manque pathologiquement à Bonne Conduite. C’est un film de voiture folle sans grands dérapages, de conducteurs sociopathes avec un gentil moniteur un peu punk au volant. Pas mal mais un peu frustrant.


Alexandre Lehuby

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