Critique du film Blood

logo superseven

Par Super Seven

le 26/01/2023

SuperSeven :

Si le Festival de Gérardmer pensait faire un grand coup en ouvrant sa trentième édition avec Blood de Brad Anderson, c’est en partie vrai… Il s’agit d’un véritable éclat, dans le risible. Détournant le concept du film de vampire pour l’incorporer dans un drame familial, tout comme Tomas Alfredson avait mixé ce sous-genre avec une romance à hauteur d’enfants dans Morse, Anderson tente d’ajouter une certaine complexité et une profondeur à une histoire qu’il n’arrive jamais à faire décoller, tant il s’empêtre dans son envie de créer un véritable lore (univers) autour de la « malédiction » qui s’abat sur le cadet de la famille présentée dans ces 110 (!!) minutes affligeantes d’angoisse.

N’essayez pas de trouver la moindre chose à Blood. Outre quelques beaux plans, une performance convaincante mais assez inégale de Michelle Monaghan, et un sursaut — le seul, lors d’une mort — qui arrive après une heure effroyable, la seule manière d’encaisser semble de se noyer dans des litres d’alcool. Et la transition est toute faite tant Blood semble destiné à n’être qu’un vulgaire jeu à boire entre amis prêts à se soutenir dans cette torture. Difficile de ne pas instaurer un shot à chaque dialogue surfait, mal placé et terriblement mal interprété : le « Je vous comprends » d’une victime cherchant à manipuler l’oppresseur,ou le fameux « C’est la seule chose à faire » alors qu’un être disposant de plus de deux neurones aurait déjà trouvé un milliard de solutions aux maux de cette famille ; à noter que ces deux extraits ne sont qu’une goutte dans l’océan de déjections que constitue le scénario de Will Honley. Une règle applicable également pour chaque décision ubuesque, chaque interprétation plus que douteuse, chaque revirement illogique… À défaut d’enivrer avec son film, Anderson a au moins le mérite d’accompagner la décadence de ses spectateurs.

Ceci n’est pas sans lui accorder le bénéfice du doute, sur le fait qu’il ne prendrait pas son public pour le dernier des abrutis, car il s’abstient de tomber dans les poncifs du surplace des explications d’un univers déjà bien familier — en même temps, le film n’en possède aucun. Néanmoins, tout ceci semble particulièrement inutile quand s’ensuivent cent minutes de stationnement dans des situations banales, des légendes forestières insérées puis retirées puis réinsérées, pour finir par balayer le minimum de fantastique promis par l’introduction ; le virus-malédiction (ou syndrome de Münchhausen?) n’offre rien d’autre que des minutes de rab’ et trois dialogues fabuleux.

Pourtant, dans ses premiers plans, Anderson frappe fort en citant le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Un véritable uppercut de culot : il en a mille fois moins le talent et cent fois la vulgarité. Dans l’hommage, on y préférera Ti West. Il y aurait toutefois d’autres liens à tisser entre Blood et d’autres oeuvres : The Other Side (également passé au festival en 2020) ou Terrifier 2 pour ne nommer qu’eux. Pourquoi ? Car, à l’instar des metteurs en scène derrière ces films, Anderson ne sait absolument pas diriger ses enfants-acteur. Si l’aînée de la famille souffre, comme Monaghan, de l’ambivalence entre sérieux et grotesque, le personnage d’Owen est terriblement mal interprété, non pas par faute d’engagement de la part de Finlay Wojtak- Hissong — il fait malheureusement ce qu’il peut — mais bien par manque de directive et d’enjeu de son réalisateur. Quand le labrador familial joue mieux que la progéniture censée porter le film, il eut été préférable de remplacer Brad Anderson à la caméra par le dresseur animalier. Il est également regrettable de voir Skeet Ulrich au casting, non pas qu’il se débrouillerait mal — il est même celui qui s’en sort le mieux —, mais car son quasi-caméo est le seul trait de lumière dans une gargantuesque tempête à laquelle il ne méritait pas de prendre part. Parlant de tempête, l’affligeante nullité de Blood aura eu le mérite d’inciter un acte de rébellion fort au cœur du public : une immense flatulence, finalement bien plus douce que le film qui lui était servi.


Pierre-Alexandre Barillier

blood image.webp