Critique du film Blanches colombes et vilains messieurs

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Par Super Seven

le 02/03/2021

SuperSeven :


Après avoir été mis en avant lors de notre cycle Technicolor avec sa magnifique « Comtesse aux pieds nus », Joseph L. Mankiewicz est de retour ce mois-ci pour notre plus grand plaisir avec sa comédie musicale « Guys and Dolls », ou « Blanches colombes et vilains messieurs » en français, adaptation d’un show de Broadway des années 50. Mankiewicz n’est pas un habitué du genre, et il est même surprenant de le voir diriger un tel film, mais il n’en prend pas moins de plaisir derrière la caméra en prenant la liberté d’aller dans un certain excès. Dès la séquence d’introduction, il pose superbement le décor. Pas de voix off ni de dialogues superflus, juste quelques notes de musiques et le spectacle commence. Des personnages enjoués, des couleurs éclatantes, les lumières scintillantes de New-York, et bien sûr le tout parfaitement chorégraphié par Michael Kidd – nul autre que l’homme derrière les danses de l’immense « Tous en scène ». De quoi nous donner immédiatement le sourire, avant même que les enjeux ne soient dévoilés.

Nos protagonistes, portés par un duo Frank Sinatra - Marlon Brando en grande forme interviennent rapidement. D’un côté, Nathan Detroit (Sinatra), petit voyou à la tête d’une entreprise de jeux illégaux, tiraillé entre l’idée de se ranger pour se marier avec sa fiancée et celle de continuer d’organiser des parties clandestines de dés pour le plus grand plaisir de tous les vilains messieurs de la ville. Face à lui, Sky Masterson (Brando), mauvais garçon mais bon en affaires, à la dégaine de séducteur en série. Ce dernier a la réputation d’être un parieur invétéré, pouvant miser de grandes sommes sur tout et n’importe quoi. C’est ainsi que Detroit, dans une situation financière délicate, s’engage dans un pari avec Masterson, à l’origine de toute une série d’aventures comico-romantiques.

La paire d’acteurs fonctionne à merveille. La naïveté et voix douce de Sinatra complètent le charisme et le côté viril de Brando, se débrouillant assez bien dans ce style – nouveau pour lui – malgré une voix parfois hésitante lors des morceaux chantés. On est attendris par l’un, impressionnés par l’autre, mais sous le charme des deux. Le pari entre les deux hommes implique également un troisième personnage, une jeune missionnaire tentant désespérément de prêcher la bonne parole aux canailles, que Masterson doit séduire. La candeur du personnage, incarné par la belle Jean Simmons, apporte une dernière touche rendant l’ensemble des protagonistes extrêmement sympathiques, nous faisant ainsi pardonner leurs écarts de conduite. C’est pourtant étonnant lorsque l’on connait les coulisses du tournage ; Frank Sinatra espérait initialement obtenir le rôle de Sky Masterson, et n’a pas bien supporté que celui-ci soit offert à Brando, novice en comédies musicales. Les chamailles de tournages n’ont pourtant pas entaché ce qui se dégage à l’écran, à savoir une gaieté générale nous dirigeant tout droit vers un happy end, avec plaisir.

Qui dit comédie musicale dit bien sûr chansons. Elles participent à la bonne humeur générale se dégageant de l’oeuvre. Là où certains films du genre amènent parfois les parties chantées de manière un peu brutales et d’emblée grandioses, les transitions ici se font plutôt en douceur. Les personnages commencent par vocaliser mélodieusement leurs petits tracas, avant de nous entraîner dans des représentations plus ou moins longues et chorégraphiées. Les têtes d’affiche ne sont pas de grands danseurs, leurs numéros restent donc assez discrets à ce niveau. Le contrepoids est toutefois apporté par les numéros de Vivian Blaine (Adelaide, la fiancée de Nathan), danseuse, qui offre de jolies prestations lors des scènes de cabaret. Le film est parsemé d’autres séquences assez mémorables en plus de celle d’introduction, saupoudrant ainsi l’oeuvre de moments plus outranciers que d’autres, pour atteindre un juste équilibre sur la longueur. Une scène avec un goût de « West Side Story » avant l’heure, d’autres qui inspireront plus tard Michael Jackson pour son clip « You Rock my Wolrd » – dans lequel joue d’ailleurs Marlon Brando… En somme, la sauce prend bien.

Il y a quand même quelques imperfections. Mankiewicz, connu pour ses scénarii subtils et ses dialogues incisifs, n’offre pas ici son plus grand travail. Le tout reste quand même bien ficelé, assez amusant, et permet au réalisateur de s’amuser à la mise en scène. On compte également quelques longueurs, les enjeux du films étant vite posés et compris, on peut rapidement trouver cela répétitif alors que toutes les scènes ne paraissent pas indispensables au déroulement de l’intrigue. Mais ces défauts sont vite pardonnés parce que les couleurs, parce que les décors, parce que les acteurs, parce que la disproportion, parce que les chants et les danses. Finalement parce que les comédies musicales rendent heureux et parfois c’est un peu tout ce qu’on demande.


Pauline Jannon

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