Critique du film Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu

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Par Super Seven

le 12/02/2023

SuperSeven :


L'AMBITION, À LA FRANÇAISE.

Personne n'a le savoir de la recette de la potion magique mais Guillaume Canet, lui, connaît bien les ingrédients pour rater un film. La preuve, son Astérix vient de sortir.

Réglons le cas de L'Empire du Milieu rapidement : Il est à peu près aussi mauvais qu'attendu, ni plus ni moins. Pas l'accident industriel dégroisé par quelques médias mais pas non plus l'écho de Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre espéré. En bref, un échec qui ne surprend pas vraiment tous ceux qui ont suivi le long chemin de galère du projet depuis plusieurs années, de l'annonce d'un casting record de noms pratiquement tous péchés en dehors du monde du cinéma, à un tournage atrophié par le Covid en passant par une promotion en forme de chouinage en règle de Guillaume Canet ; le réalisateur étant plus prompt à louer le budget de son film (65 millions, au cas ou vous l'auriez manqué) que ses qualités cinématographiques.

Au milieu de ce barnum promotionné à grand frais, faut-il rappeler le pitch ? C'est un appel à l'aventure, venu du grand Est, qui force nos irréductibles gaulois à prendre la route pour sauver une princesse chinoise en détresse, menacée par un rival renégat (Bun Hay Mean). Une intrigue ? Non, un vernis scénaristique qui sert en vérité de véhicule à Canet pendant un peu moins de deux heures pour ouvrir la porte à une horde d'invités – de guests, pour la faire à l'américaine –, dont les apparitions ne dépassent généralement pas la minute à l'écran (mais qui figurent tout de même en haut de l'affiche naturellement), pour lesquels il est impossible de séparer le personnage de l'acteur. Dans ce grand banquet où tout le monde a sa place, du chanteur aux youtubers sans oublier les milliardaires du sport (Zlatan, qui ânonne quelques mots en français parfaitement inaudibles pour un peuple pourtant usager de la même langue), n'existe plus la notion de rôles, qui s'insèreraient dans la diégèse d'un récit, lequel dialogue lui même avec une certaine histoire du cinéma comique français. Non, tout est vaporisé sous l'autel de la référence people, aspergée sur l'écran jusqu'à écoeurement, jusqu'à ce que plus rien ne reste comme enjeu que de découvrir qui sera le prochain sur la liste, le dernier à avoir signé, lui aussi, pour participer au buffet, fut-il en bout de table.

Une telle démarche n'est évidemment rien de plus que la traduction la plus avancée et pernicieuse du cynisme d'une l'industrie toujours plus avide d'élargir ad nauseam l'assiette du grand public. Qui peut croire sérieusement que Mcfly et Carlito, Angèle ou Orelsan sont au casting pour la qualité de leurs interprétations ? Ce n'est pas une addition de talents auxquels Gaumont aspire, mais de followers. Rien de nouveau pourrait-on rétorquer : Astérix et Obélix : Mission Cléopatre, film culte, procédait déjà d'une multitude de comédiens non issus originellement du monde du cinéma. Astérix aux Jeux Olympiques aussi. La proportion prise par celui là est néanmoins sans commune mesure. Surtout, chez Alain Chabat, le Personnage existait encore. L'acteur se soumettait à lui. Dieudonné était Caius Ceplus avant d'être Dieudonné. Ici, c'est l'inverse.

Le personnage, pantin désarticulé, est vampirisé par la célébrité qui vient, temporairement, porter son masque, ou plutôt sa perruque. Le risque est double pour la saga à l'avenir : voir Astérix devenir uniquement cela, une usine à guests venus faire coucou et cachetonner. Et, plus grave, observer toute la production Gaumont Pathé s'asterixiser : se plier à la doxa de l'évènement cinématographique monté de toutes pièces sur un casting de stars, quand ce sont juste des vedettes qui se bousculent goulûment sur l'affiche. Car là réside la nouvelle ambition de Jérôme Seydoux, boss de Pathé parti en RECONQUÊTE du public contre les films d'auteurs "chiants" et la critique qui n'aimerait pas "les films populaires". Au delà du double jeu discursif de l'homme d'affaires (d'une main, il étreint les classes populaires et de l'autre augmente sans cesse le ticket des billets de ses salles, excluant mécaniquement ces mêmes gens des cinémas), sa volonté est d'offrir des spectacles à l'américaine pour nos écrans français. Soit, traduction, de gonfler considérablement les budgets de certains films. Proposer des projets ambitieux économiquement n'est pas une mauvaise idée en soi (même si elle n'a rien de neuve), encore faut-il savoir à qui les confier.

Ainsi, L'Empire du Milieu n'a même pas l'argument du spectacle pour le rattraper en plein crash. C'est un film bling bling dans le pur sens du terme, qui réussit le miracle (peut-être est-elle là la recette de la potion magique ?) de faire disparaître son budget intégralement de l'écran. Des 65 ou 70 millions – soustrayons 10 ou 12 millions pour la promotion et faisons tomber le chiffre à cinquante par bienveillance patriotique – que reste t-il ? Privé de son tournage XXL en Chine, le tournage a dû se délocaliser en Auvergne. Moins bien. Du périple "épique" entrepris par les héros, dont le parcours les fait traverser la moitié du globe, on ne verra que quelques décors à l'exotisme renfermé, des grandes plaines chinoises à quinze kilomètres de Clermont Ferrand pixélisés d'arrières plans flous et une batterie de décors génériques de la saga. A peu près aussi à l'aise en promotion que derrière la caméra, Canet a fait savoir que l'une de ses motivations était de tourner des vrais scènes de combat façon Tigre et Dragon. Là encore, noble ambition, grand ratage. Les affrontements virent le plus souvent au comique involontaire tant le montage y est mou (l'affreuse scène d'attaque des pirates) et les chorégraphies mal découpées et dépourvues de fantaisie, de tout amusement burlesque qui faisait le sel de certains de ses prédécesseurs.

Il y a pourtant un autre film, plus personnel et intimiste, qui se débat dans ce bazar informe. On sent le cinéaste, dont le grand sujet a toujours été l'amitié, désireux de remettre au centre des enjeux le couple Obélix - Astérix. Souvent remisés au rang de quasi seconds rôles de leurs propres films (les Jeux Olympiques paroxystiquement, ou Benoît Poelvoorde volait la vedette, comme toujours), ils sont enfin au cœur de l'intrigue. La conclusion leur est d'ailleurs dédiée et permet au film de terminer son laborieux programme sur une note plus affable que le reste de ce laborieux téléfilm friqué, dont la diffusion aurait dû atterrir directement sur une chaine du cable ou une plateforme, tant ce qui s'y produit n'a peu ou prou rien à voir avec le cinéma.


Alexandre Lehuby

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