Critique du film L'armée des douze singes

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Par Super Seven

le 11/11/2023

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Trois ans après la période de paranoïa due au Covid, l’épidémie est encore très présente dans les esprits. Certaines oeuvres étaient à ce moment vues comme annonciatrices de ce que nous étions en trains de vivre. Parmi elles, L’armée des douze singes de Terry Gilliam, qui présente un futur proche dans lequel les humains sont obligés de vivre sous terre à cause d’un virus qui a décimé la majorité de la population à partir de 1996. C’est à cette date qu’est envoyé James Cole (Bruce Willis), un prisonnier, sujet d’une expérience ayant pour but d’enquêter sur l’origine du virus propagé par « l’armée des douze singes », un mystérieux groupuscule. James doit alors trouver ce groupe avant la transmission du virus, pour permettre à des spécialistes de suivre sa trace dans le futur afin d’étudier le virus et d’y trouver un remède.

Tel est le point de départ du récit, adaptation en long métrage de La Jetée de Chris Marker – bien meilleur sur le même sujet en moins d’une trentaine de minutes –, qui questionne l’aliénation sociale. La société dépeinte par Gilliam est représentée par différentes institutions (les médias, la police, les médecins), surtout les scientifiques, seules entités à exister aux deux époques. Dès le départ, coincé dans sa cellule, James fait figure d’exclu, il est coupé du monde et ne sait pas ce qui lui est réservé. Son arrivée en 1996, nu et en pleine rue, en proclamant venir du futur jusqu’à devenir violent et être arrêté, n’arrange pas son cas. C’est là qu’entre en jeu Kathryn (Madeleine Stowe), une psychiatre qui ne tarde pas à le diagnostiquer comme fou, et l’envoie à l’asile ; petit espace où sont réunis de nombreux malades, pour la plupart scotchés par des soignants incompétents devant la télévision qu’ils confondent avec la réalité. Usant du grand angle pour tout déformer, avec une caméra presque toujours désaxée, Gilliam nous intègre dans ce monde d’exclus, nous fait ressentir leur décalage. C’est ici que James fait la rencontre de Jeffrey (Brad Pitt), un patient anti-capitaliste militant et fils d’un riche industriel médical. Il partage le sentiment d’exclusion de James, sa folie étant un frein pour mener à bien ses actions militantes. C’est lorsqu’il renie ses premières idées qu’il est réhabilité, sans pour autant être moins fou – au contraire –, révélant ainsi la perversité de cette société dans son traitement des « déviants mentaux ».

Jeffrey occupe une place particulière. Il est le plus conscient de sa condition, n’hésitant pas à se définir comme fou, puis à cacher un cette folie pour sortir de sa cage. Il perçoit l’hypocrisie de la société, obsédée par le gain et le « progrès », et va jusqu’à proposer une devise pour l’humanité : « consommons ». N'étant pourtant pas un film tourné vers l'anti-consumérisme, cette tirade est toutefois souvent ce qui marque dans l'œuvre de Gilliam. L’aliénation, elle, apparaît comme un virus, capable de toucher n’importe qui. Kathryn, membre du corps médical et bien plus conformiste que Jeffrey ou James, est elle-aussi exclue en fréquentant James, méconsidérée en tant que victime par l’enquêteur qui s’occupe de son affaire de kidnapping, et reniée en tant que psychiatre quand elle commence à croire son ravisseur. La solution de L’armée des douze singes est finalement l’hypocrisie, le mensonge et le déguisement pour ne pas se faire rejeter totalement. Mensonge dont James use pour retourner en 1996 contre l’avis des scientifiques et déguisement qui marque la fin de son aventure.


Mathis Slonski

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