Par Super Seven
SuperSeven :
De Tom Ford je ne connaissais que son Nocturnal Animals, que j’avais beaucoup aimé. J’ai donc été immédiatement intriguée lorsque je suis tombée par hasard sur son premier long-métrage A single man. Un synopsis bien dramatique, Colin Firth et Julianne Moore à l’affiche, il y a déjà tout pour plaire. Mais j’étais loin d’imaginer à quel point.
L’impression immédiate laissée par le film est vraiment remarquable, proche d’une certaine perfection que l’on peut ressentir quand un récit résonne en nous, qu’il nous semble limpide. Tous les choix dans A single Man semblent bons, précis, maitrisés.
Pour développer un petit peu plus, revenons à notre personnage principal, George Falconer. Il est un homme brisé, incompris, ayant connu le véritable amour puis l’ayant perdu. Il est condamné à jouer un rôle devant ses élèves et son amie Charlotte qui ne comprennent pas sa détresse. Durant une bonne partie du film, on le voit renoncer à la vie et planifier son suicide discrètement, sans jamais parvenir à aller au bout, puisqu’à chaque tentative il est soit insatisfait par l’un des éléments de son environnement (ce qui laisse croire qu’il ne va dans tous les cas jamais aller jusqu’au bout de son geste), soit interrompu, par exemple par un coup de téléphone.
S’il semble que George ne compte jamais aller au bout, c’est surtout car plus qu’une mort salvatrice, il recherche plutôt une âme pour le comprendre sans qu’il ait besoin de parler, afin de soulager sa peine. Il trouvera cette âme chez l’un de ses élèves : Kenny. C’est celui-ci, plus que son amie de toujours, qui lui fait prendre conscience qu’il n’est pas seul et qu’il lui reste encore des choses à apprécier. La tension tant amicale que romantique qui s’établit entre les deux est alors le déclic qu'il lui faut pour faire son deuil.
Toute la profondeur de ce personnage, à mi-chemin entre une envie d’égoïsme et de solitude et celle d’être à nouveau accompagné est bien sûr mise en valeur par la magistrale interprétation de Colin Firth. Il nous livre une performance sensible et émouvante, prouvant une fois de plus – s’il le fallait - son immense talent qui va bien au delà des comédies plus légères parfois associées à son nom. Le reste du casting est également très bon, bien qu’éclipsé tant le cinéaste fait tout pour que Firth crève l’écran.
Le titre du film est également intéressant à analyser quant à la dualité abordée précédemment, puisque 'Single' peut se traduire à la fois par 'seul' et 'unique'. On voit donc là que l'homme auquel on se réfère peut-être à la fois George, âme solitaire, ou son partenaire, qu'il n'arrive pas à remplacer, le rendant unique à ses yeux.
Ce qui vient parfaire l’ensemble est bien sûr la réalisation de Tom Ford. Il nous offre un montage très dynamique, passant régulièrement du passé au présent afin de bien nous faire ressentir la nostalgie et mélancolie de George, sans pour autant nous faire perdre le fil de la narration - ce qui peut parfois être le problème avec les œuvres présentant de nombreux changements temporels, à l’instar d’un Mister Nobody, ou bien de la quasi-totalité des films de Christopher Nolan-.
En plus de cela, Ford joue brillamment avec la saturation des couleurs. L’image terne la plupart du temps, reflétant la tristesse du personnage principal, va parfois se remplir de couleurs très chaudes et vives, afin de montrer les lueurs d’espoirs ou le regain de vie de celui-ci. Le cinéaste n’hésite pas non plus à user du noir et blanc, pour marquer les souvenirs. On sent alors la patte du styliste – carrière originelle de Ford -, dans cet esthétisme marqué et pourtant délicat qui nous rappelle la douceur de la soie.
A single Man c’est un film qui fait du mal à voir, tant les émotions nous prennent, nous tordent et nous captivent durant une heure trente. On en sort bouleversé.
Je vous encourage donc à aller découvrir cette perle douce-amère, qui vous laisse un sentiment de mélancolie maturant au fil des jours et faisant perdurer ce visionnage longtemps dans votre mémoire.
Pauline Jannon