Critique du film A l'Ouest, rien de nouveau

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Par Super Seven

le 13/03/2023

SuperSeven :

Le roman de guerre de Erich Maria Remarque ne comptait que deux adaptations sur grand écran avant que Netflix propose, fin 2022, en exclusivité sur sa plateforme, une peau neuve destinée au petit écran. Edward Berger nous emmène pendant plus de deux heures sur le front allemand de la Grande Guerre, et tente de transmettre l’horreur des combats et la médiocrité des tranchées, si bien décrites dans le livre. On découvre à l’écran un nouveau visage de l’œuvre, les scénaristes prenant d’intéressantes libertés en étoffant certains thèmes, et en développant d’autres. Ainsi, A l’ouest, rien de nouveau a pour ambition d’aller plus loin qu’une adaptation littérale du texte, en s’éloignant des grandes lignes, mais peut-être eut-il fallu qu’il s’accroche aux messages de l’auteur. 

Une très forte ambiguïté, si ce n’est une antithèse en ressort. Le propos original – et a priori ici aussi – est anti-guerre. L’idée première est donc de montrer l’absurdité du conflit, la bassesse et la saleté qui en découle, mais ce, ici, à travers une certaine sublimation de la guerre. De là un contraste énorme, une opposition entre le fond et la forme, laquelle se perd dans la recherche du beau, du grandiose, de l’artifice. Difficile de transmettre la médiocrité lorsque l’on enchaîne les scènes homériques accompagnées de compositions épiques. Difficile de ressentir le temps, celui sur lequel insiste Remarque dans son œuvre, le temps comme pire ennemi du soldat qui, sûrement de peur que le spectateur s’ennuie, ne peut exister dans ses instants les plus calmes à cause de coupes incessantes. Et encore difficile de montrer l’horreur, la laideur du champ de bataille et du front lorsque tous les plans sont sublimés par une photographie chaude et travaillée.

Techniquement c’est magnifique, entendons-nous là-dessus, mais ça l’est sûrement trop,  et beaucoup trop lisse pour coller à l’essence du projet. Les belles lumières orangées, plans parfaitement symétriques, ou autres longs travellings inspirés de 1917 ou de Dunkerque font de A l’Ouest, rien de nouveau  un impressionnant film de guerre en complet décalage avec son but, sans aucune profondeur ni réflexion sur l’enjeu du conflit qu’il représente ou sur les interlignes du récit du personnage principal, pauvre jeune homme allemand perdu dans l’immensité d’un guerre lente, laide et inutile. 

On note tout de même une tentative d’incarnation des thèmes principaux du roman, à travers le symbole du confort matériel que représentent les bottes, ou via l’expression de la faim en montrant la préciosité des aliments quelconques, devenus trésor là où tout vaut dix fois plus cher qu’ailleurs. L’horreur des cadavres et la peur constante de la mort sont également évoquées, en particulier dans une scène d’assaut où notre soldat se retrouve bloqué dans un trou d’obus, mais ces différents motifs de la guerre sont complètement ensevelis sous une couche d’artifice, aveuglés par les projecteurs, mis au silence et abasourdis par les énormes basses de la bande originale, par la continuité exagérée des cris et l’écho permanent des tirs d’obus et des coups de fusil.  

A l’Ouest, rien de nouveau a tout du bel objet, de la grande démonstration cinématographique qui ravit les amateurs du genre, mais qui risque, par son manque de profondeur et de propos, de tomber aux oubliettes parmi les innombrables et peu originaux films de guerre qui l’ont précédé ; une petite adaptation sur petit écran du grand roman de la Grande Guerre. 


Maxime Grégoire

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