Critique du film Été 85

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Par Super Seven

le 15/11/2020

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Les rayons chauds du soleil, ceux qui illuminent les corps dénudés et saillants, révèlent les plus grandes passions. Une rencontre fortuite arrive si vite et le désir naît dans la foulée, inexplicablement, violemment. Quand Alex (Félix Lefebvre) croise la route de David (Benjamin Voisin), il ignore qu’il s’apprête à vivre une aventure des plus folles, des plus belles mais également des plus douloureuses, celle du premier amour. Les côtes normandes deviennent le théâtre d’une relation puissante, déconnectée du monde et de ses réalités. Et l’on ne croit pas si bien dire. François Ozon, adaptant ici « La danse du coucou » d’Aidan Chambers – roman qui l’a beaucoup marqué dans sa jeunesse pour finalement irriguer son œuvre par la suite–, opte pour un style qui dénote. Délaissant le naturalisme récurrent des récits estivaux, malgré une rigueur dans la reconstitution d’une époque, il décide d’user de son médium et ses artifices pour renforcer la puissance dramatique de son intrigue.

Dès le départ, que ce soit par l’usage de la voix-off très littéraire, l'éclat du quatrième mur ou la scène de l’orage sur l’eau, il donne le ton. Cette romance que l’on s’apprête à vivre a une nature particulière, digne d’une tragédie grecque. David apparaît sur le Calypso tel une figure héroïque, quasi divine, comme Apollon se baladant sur les terres de Poséidon ou Chiron ramenant un jeune se noyant dans le Styx. De là, débute un jeu de séduction, rythmé, haletant, dévastateur. Multipliant les effets de style, avec une envie de jouer d’une iconographie impactante, le cinéaste se permet de prendre le contre-pied de son ancien professeur Rohmer ou des derniers succès du genre type « Call Me By Your Name » de Luca Guadagnino. Il met en place un excès sur tout ce qui entoure les deux cœurs se découvrant, seuls êtres normaux au milieu d’un monde qui semble irréel, pour finalement parvenir à une réalité plus profonde, celle des sentiments. Le grain de l’image sublime celui des peaux, y compris celle de la ravissante Philippine Velge, rappelant que l’été est avant tout une période d’exploration visuelle des autres. De jeux de lumière subtils, il amène une puissance picturale et sensuelle envoûtante, à l’image des jeunes marchant de nuit dans ce couloir rouge, torses nus, dorés par l’éclat des ampoules.

Malheureusement, le caractère éphémère propre aux relations estivales prend le dessus, et la Mort qui hante le récit est aussi celle de l’innocence et de l’Amour pur, déraisonné. Car si Alex et David sont heureux à moto, en bateau, sur la plage, ils sont différents et non sur la même longueur d’onde. Une scène de boîte de nuit vient alors illustrer ce décalage évident, magnifique et triste, qui semble montrer que si les opposés s’attirent, les cœurs eux se déchirent. La mise en scène habile, presque photographique – certains plans sont construits comme des clichés qui s’impriment sur nos rétines – a une certaine insouciance, presque celle des premiers films qui donne un charme fou et touche quand l’on constate que thématiquement on a peut-être là un film somme de l’auteur.

Été 85 est donc une capsule temporelle, comme un souvenir à la fois sincère et altéré par une forme cinématographique appuyée qui décuple les émotions. S’il semble mineur après un Grâce à Dieu d’une grande maîtrise, il faut rester lucide et y voir une nouvelle preuve de la versatilité et de la constance qualitative d’un de nos cinéastes les plus prolifiques. Nous mettant sur la plage aux côtés du duo Félix Lefebvre – Benjamin Voisin aussi charmant que talentueux, François Ozon nous enivre et nous émeut avec ce conte d’été, comme une parenthèse douce-amère, pleine d’enchantement et de désillusion. Il nous fait vivre une histoire de saison que l’on n’a pas forcément connue mais qui nous semble familière, comme si pour lui l’amour à la plage n’avait aucun secret…


Elie Bartin

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