Par Super Seven
A l'occasion de la 52e édition du FEMA de La Rochelle, nous avons eu la chance de rencontrer Isabelle Huppert autour d'une boisson fraîche. Un hors-série exceptionnel qui détourne notre format "Une glace avec...", retrouvable sur nos réseaux sociaux.
S7 : À défaut d’une glace, vous avez choisi un citron pressé. Pourquoi ?
Isabelle Huppert : Pour ne pas choisir du champagne, c’est encore un peu tôt pour en boire (ndlr : il est 18h). Ça me paraît être une boisson assez douce… Je n’aime pas trop les jus de fruits, c’est trop sucré, et là il y a quand même de la vitamine. Mais est-ce que j’ai eu l’occasion de boire un citron pressé dans un film ? Je n’en ai pas souvenir. En tout cas, il est très bon ! Je suis très contente d’avoir choisi ça.
S7 : Pouvez-vous nous donner la ou les raisons de votre présence au FEMA 2024 ?
I.H : Je suis ici pour la présentation du film d’André Téchiné, Les gens d’à côté, avec Nahuel Pérez Biscayart et Hafsia Herzi, qui sort le 10 juillet. J’y interprète une policière de la police scientifique qui devient amie avec un jeune homme qui est black bloc et peintre. C’est un film très subtil et très nuancé qui montre comment deux personnes de mondes opposés peuvent se rencontrer jusqu’à un certain point. Je paie le prix, dans le film, de cette rencontre. Il y a un moment donné où je franchis une ligne jaune. C’est très romanesque, comme toujours chez Téchiné, mais sur un fond on ne peut plus contemporain. Le contexte correspond à une réalité qu’on connait, avec une manière inattendue de décrire le monde de la police et des black blocs sans jamais être caricatural. En faisant du jeune homme un peintre, le film montre que la frontière est mince entre la rébellion et le geste artistique. Et la femme flic révèle la police sous un angle plutôt vulnérable : les policiers manifestent et revendiquent des droits, des conditions de travail différentes. Il ne s’agit pas renvoyer les personnages dos à dos, c’est un film humaniste, vraiment politique au sens le plus large du mot, qui fait le pari d’un vivre ensemble même si c’est au prix d’un renoncement.
J’ai aussi fait une rencontre avec Olivier Père sur les films de Michael Haneke. Je ne les ai pas tous vus d’ailleurs, notamment ceux qu’il a fait pour la télévision. Mais cette rétrospective les intègre, elle est extrêmement complète. C’est une super idée de montrer tous ses films de cette manière. Si je devais en recommander un, ce serait Le Ruban Blanc que j’aime particulièrement !
Il y a également le film de Patricia Mazuy, La prisonnière de Bordeaux, que j’ai vu évidemment. Il a été présenté il y a trois jours. C’est un très beau film, à nouveau avec Hafsia. Nous avons enchaîné deux films l’une avec l’autre, d’abord le Téchiné puis le film de Patricia. Dans des rôles assez différents mais des rencontres improbables dans les deux cas. Dans le film d’André, elle joue la femme du jeune homme et je crée un lien très fort avec cette famille. Ils ont une petite fille, moi je suis plutôt solitaire et nous sommes deux maisons mitoyennes. En franchissant le mur de l’autre maison, Lucie mon personnage, franchit un pas existentiel qui changera le cours de sa vie.
S7 : Au regard de la programmation du festival, y a-t-il quelque chose qui se démarque à vos yeux ?
I.H : J’aurais beaucoup aimé voir le film d’Alain Guiraudie, Miséricorde, en ouverture !
Sinon, j’ai très envie de découvrir les trois films mexicains qui ont été retrouvés et qui sont distribués par Les Films du Camélia, avec la comédienne importante et fascinante, Ninón Sevilla. Il y a L’aventurière d’Alberto Gout (1949), Victimes du péché d’Emilio Fernández (1950) et Prends-moi dans tes bras de Julio Bracho (1954). J’ai très envie de les découvrir, et comme je n’ai pas pu pendant le festival, je le ferai à l’occasion de leur ressortie le 10 juillet aux Écoles Cinéma Club à Paris.
S7 : Pour conclure en s’éloignant un peu du FEMA, on a hâte de vous voir dans le nouveau film de Hong Sang-soo, A Traveler's needs, passé à la dernière Berlinale et qui a beaucoup plu à notre rédacteur sur place.
I.H : Ah ! Tant mieux, Il sortira en janvier, distribué par Capricci. C’est du pur Hong Sang-soo, hyper drôle. J’ai adoré deux de ses derniers films ! La romancière, le film et le heureux hasard c’est génial, c’est très émouvant. Il y a aussi De nos jours, avec l’alcool d’un côté et un chat de l’autre que j’ai beaucoup aimé. Je n’ai pas encore vu ses deux tout derniers, Walk up et In water, mais je compte les rattraper. Avec Hong Song Soo, il faut suivre, il tourne beaucoup ! et il en commence un autre en octobre, il me l’a dit récemment. C’est un cinéaste incroyable…
Propos recueillis par Pauline Jannon et Elie Bartin le 6 juillet 2024.
Les gens d'à côté - André Téchiné (en salles le 10 juillet 2024)
S7