Par Super Seven
Comme chaque année depuis bientôt vingt ans (l’anniversaire est prévu pour la fin d’année), le Groupe Ouest s’apprête à soutenir huit projets portés par neufs auteurs et autrices. Située à Plounéour-Brignogan-plages, dans le Finistère, la structure associative, créée et portée par Antoine Le Bos depuis 2005, est devenue une résidence de création essentielle en Europe ; parmi les derniers projets soutenus, on y trouve La Tour de Glace de Lucile Hadzihalilovic (Ours d’argent de la Meilleure Contribution Artistique à la Berlinale 2025), Les Fantômes de Jonathan Millet (Semaine de la Critique 2025) ou encore L’Homme d’Argile d’Anais Tellenne (Prix du Meilleur Film Singulier Francophone), pour ne citer qu’eux. Il faut dire que le dispositif singulier à l’œuvre est aussi étonnant que stimulant pour les créateurs et créatrices qui s’y frottent. En immersion locale pendant quatre semaines dispersées sur neuf mois, les résident.es sont au contact des quelques 800 habitants du village. Ils vivent chez eux, partagent les tâches quotidiennes et échangent, tout en profitant d’un cadre de réflexion dépaysant : le littoral breton, sa mer déchaînée, ses mouettes rieuses et ses vagues envoûtantes.
Si le concept rappelle à certains égards celui des « Workshops » que l’on retrouve dans différents festivals ou organismes, le Groupe Ouest se distingue par sa malléabilité. Là-bas pas de système ni de méthodologie fixée, on n’y vient pas pour écrire un scénario (au contraire) mais penser à une idée, à l’autre, au monde qui entoure, afin de ne pas s’enfermer dans une seule piste. D’où les innovations année après année pour dynamiser le processus créatif : en 2025 ce sera la mise en place d’une chambre obscure pour jouer autour de la cognition spatialisée, chère à Antoine Le Bos. « Pour penser, il faut un corps qu’on ne peut dissocier de l’esprit, et penser avec le corps implique l’espace dans lequel le corps est voué à se projeter » explique-t-il, avant de préciser qu’il s’agit d’arriver à quelque chose « d’épidermique, de stomachal ».
Surtout, le Groupe Ouest a une vocation politique à l’heure où la liberté de créer est menacée dans le monde entier. La résidence accueille chaque année des projets du monde entier – et le cru 2025 ne fait pas exception – avec un mot d’ordre pour Antoine Le Bos : « on est à la recherche de cris nécessaires, il faut faire entendre les murmures des artistes en creusant l’âme des films pour faire circuler des voix ». Ce souci de la parole se retrouve dans la place accordée à l’oralité, entre les nombreux temps de discussions et de rencontres mis en place entre les sélectionné.es, la possibilité de s’ouvrir aux gens du coin par l’observation et la vie en communauté. En somme, revenir à l’altérité dans ce qu’elle a de plus simple pour envisager l’expression cinématographique sous de nouveaux angles et horizons. Une résistance face au chaos et l’absurdité qui frappent que les huit projets sélectionnés – d’auteurs et autrices venant de l’animation brutale comme de l’art plastique, de Provence comme de Chine – vont incarner pendant neuf mois.
© Brigitte Bouillot
Sélection Annuelle 2025 :
Pierre Denoits – Georges a un plan
Automne en montagne. Un renard a mordu un campeur. A moins que ce soit un loup. Georges et Diane, deux agents de l’Office français de la biodiversité, montent chercher l’animal. Georges et Diane s’aiment autant qu’ils aiment l’aventure et le tir à la carabine. Ils établissent leur camp de base dans un petit refuge et cohabitent avec Michelle, une bergère mélancolique et Hugues, un étudiant mal dégrossi. Un mélange de tensions et de désirs tiraille le quatuor. Lors de repérages dans un ravin, Georges boit à une source qui ne figure sur aucune carte malgré les mises en garde de Michelle. Bientôt, l’enquête dérape.
Antoine Chapon – Les larmes d’Achille
Antoine Chapon est un artiste et cinéaste basé à Paris. Il a étudié les beaux-arts, la philosophie et les sciences sociales. En 2019, il a appris l'arabe littéraire à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban). En 2021, il est sélectionné par la Berlinale Talents. Ses œuvres créent des liens et des tensions dynamiques entre le cinéma, les animations CGI et les archives. Son premier film My Own Landscapes (2020) a remporté le prix du meilleur court métrage au Festival international du film Visions du Réel et le prix du meilleur court métrage documentaire au Festival du court métrage norvégien. Son dernier film, The Orchards, a été présenté à la Berlinale 2025.
Alexey Evstigneev – Meat
Meat est une dystopie, construite autour du bon fonctionnement d’une usine à viande humaine dont dépendent l’économie et le bien-être de toute la cité balnéaire de N. Dans cette ville où tout le monde est obligé de manger de la viande humaine, le fils de Vera, une ouvrière de l’usine, est blessé dans un accident de voiture. Pour le sauver, Vera et son mari doivent trouver un volontaire qui acceptera de se sacrifier en se transformant en produit carné, devenant ainsi un héros, en échange de la bourse patriotique destinée à payer les soins médicaux. Vera est confrontée aux inconvénients du système et ses convictions commencent à s'effondrer.
Yaonan Liu – Motherland
Elle s’échappe de son passé difficile en s'installant sur une île dans le Pacifique. Ici, elle espère trouver du calme dans une bulle confortable réservée au tourisme.
Lors d'une plongée en mer, elle découvre des ruines englouties dans une zone mystérieuse. De retour à l'hôtel, elle est prise de fièvre et enchaîne des cauchemars terrifiants.
Elle pense que ce ne sont que des rêves, jusqu'à ce que cet espace subconscient pénètre dans sa vie réelle.
Céline Rouzet et Hélène Bararuzunza – Nuits Blanches
Julie et Max, jeune couple de trentenaires français, emménagent dans la résidence luxueuse et ultra-sécurisée d’une capitale tropicale dangereuse où Max entend booster sa carrière. Julie le suit par amour. Très vite, elle supporte mal l’entre soi des expats et la relation asymétrique avec les employés de maison locaux. Mais en voulant bien faire, elle déclenche des réactions en chaîne qui menacent l’équilibre en place : les rapports de force s’inversent et la peur s’empare du groupe d’expatriés.
Lili Cazals – Princesses
Originaire du Sud de la France, Lili Cazals a suivi la formation image de la Cinéfabrique dont elle sort diplômée en 2023. Elle réalise plusieurs courts-métrages durant sa formation, dont son film de fin d'étude, Fille. À sa sortie, elle devient membre fondatrice du collectif « J’ai grandi ici », basé à Marseille, qui encourage la production de films indépendants. Parallèlement, elle continue la réalisation, l’écriture et la comédie dans différents projets de courts-métrages (Les Talons de ma Mère – Festival de Clermont-Ferrand 2025).
Aurélie Reinhorn – Tympan
À l’IKEA où elle se rend, Noémie doit coacher un groupe d’employé.es démotivé.es.
Pour leur redonner goût aux valeurs de l’entreprise, elle leur propose un jeu de rôle peu orthodoxe : incarner les membres d’une famille idéale dans les fausses pièces à vivre du magasin.
Mais personne n’a de souvenirs familiaux heureux et Noémie a la dalle.
Violette Gitton – Les Cicatrisés de Saint Sauvignac
Quatre saisons pour quatre pré-adolescents redneck d’une ville fictive québécoise. Une banlieue où l’on s’emmerde fort jusqu’à l’installation d’un parc aquatique hors normes de l’autre côté de la ligne de chemin de fer désaffectée. De quoi casser la routine, découvrir son corps et ceux des autres.
Elles/Ils seront accompagné.es par Marcel Beaulieu, Atiq Rahimi et Leyla Bouzid, et feront leurs premiers pas au Groupe Ouest du 27 avril au 3 mai prochains. Nous avons hâte d’en (sa)voir plus !
S7
De gauche à droite. Ligne 1 : Lili Cazals, Antoine Chapon, Pierre Denoits, Violette Gitton et Yaonan Liu. Ligne 2 : Alexey Evstigneev, Céline Rouzet, Hélène Bararuzunza et Aurélie Reinhorn.