Cher Bertrand, [Lettre ouverte à Bertrand Bonello]

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Par Super Seven

le 06/02/2024

Cher Bertrand,

En se replongeant dans votre filmographie, celle-ci semble guidée par un étrange paradoxe : celui d’une incompréhension de notre monde, sa violence, sa noirceur et son individualisme, mêlée à une connaissance profonde de ce même monde, des humains qui l’habitent et de leurs sentiments.

Ce paradoxe s’exprime dans une démarche artistique qui ne tombe jamais dans le cynisme, car je crois que si l’incompréhension, voire parfois le choc sont présents, l’optimisme n’est jamais bien loin. Celui de trouver un interlocuteur qui vous comprendra, et qui ralliera lui-même ses pairs à une vision plus éclairée – plus lumineuse même – du futur. L’optimisme de l’art qui triomphe, qui change les choses, qui rend une existence moins vaine. Il faut le voir cet optimisme, le chercher, car il n’est généralement pas le sentiment final qui demeure après avoir vu l’un de vos films. Si l’on s’attarde sur la fin de Nocturama, ou dernièrement La Bête, on pourrait aisément en tirer une interprétation au bord du nihilisme. Mais ce qui marque avant tout, c’est ce qui n’est pas dit, ni même montré, mais ce que l’on parvient tout de même à comprendre de ces personnages, toujours plein de nuances, profondément humains. Pasolini disait – et je sais qu’il vous est cher : “Je pleure un monde mort. Pourtant, moi qui le pleure, je ne suis pas mort.” Telle est la clé de cet optimisme, celle de celui qui, en voyant les murs s’effondrer, ne renonce pas à en construire de nouveaux.

Ce message presque codé, qui semble être un cadeau à qui veut bien regarder les œuvres avec suffisamment d’attention, est d’autant plus clair qu’il est toujours adressé. Bien sûr, sa cible évolue ; de Quelque chose d’organique à De la Guerre, il s’agit peut-être plus d’une réflexion, pour ne pas dire introspection, du créateur, qui partage sa pensée intérieure. Puis, en regardant vers le passé avec L’apollonide et dans une moindre mesure Saint Laurent, il s’ouvre aux autres. Car regarder le passé, c’est admettre que l’autre existe, et que l’on y peut rien. Après le passé vient le futur, la jeunesse, avec cette trilogie composée de Nocturama, Zombi Child et Coma. Est-ce un avenir sinistre que vous leur réservez ? Je ne pense pas. Je pense plutôt que vous croyez en eux, en nous, pour faire face à l’incompréhension, et se révolter. Qu’y a-t-il de plus optimiste que la révolte ?

La Bête, votre dernière œuvre dont la sortie est imminente, semble synthétiser tout cela, et enfin franchir le cap de s’adresser au monde dans son ensemble. Elle mêle d’ailleurs passé et futur, nous concerne tous, et saisit cette indicible peur – de l’extérieur et de l’intérieur – qui n’a pas d’âge.

Alors, avec Super Seven, nous qui recevons votre message, nous avons décidé qu’il était temps d’y répondre. A notre tour de nous adresser à vous, et au monde à travers vous. C’est pourquoi nous avons décidé d’utiliser ces instants précieux de partage à la Cinémathèque Française, pour tenter de saisir ce paradoxe qui vous anime et que vous transmettez. Non seulement en venant capter l’ensemble des présentations qui ont lieu au cours de votre rétrospective, mais aussi en retranscrivant vos choix et explications lors de vos cartes blanches. Après tout, quoi de mieux pour comprendre un artiste que de revenir aux sources de ce qui l’inspire ?

Nous vous remercions donc d’avoir accepté d’emblée de nous laisser champ libre sur ce dessein. Par cette confiance accordée, vous incarnez ainsi l’un de ces passeurs cinéphiles et cinéastes qui nous animent.

Nous remercions également la Cinémathèque Française de permettre la mise en place d’un tel projet, cette institution étant pour nous le symbole d’un espace d’expression sans frontières pour ceux qui croient en la force du cinéma comme nous, et comme vous je pense.

Bien à vous,

Pauline Jannon & l’équipe Super Seven

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Séances passées :

- Terreur aveugle - Richard Fleischer, le 21/01 à 14h30 (rétrospective Richard Fleischer)
- Terreur sur la ligne - Fred Walton, le 01/02 à 19h (séance Parlons Cinéma)
- La Bête - Bertrand Bonello, le 5/02 à 20h (Avant-Première)

Séances à venir :

- Un flic - Jean-Pierre Melville, le 15/02 à 19h (séance Parlons Cinéma)
- L'apollonide - Bertrand Bonello, le 28/02 à 18h
- De la Guerre - Bertrand Bonello, le 28/02 à 20h45
- Programme de courts-métrages sélectionnés par Bertrand Bonello, le 29/02 à 19h (séance Parlons Cinéma)
- Le Pornographe - Bertrand Bonello, le 01/03 à 18h30
- Saint-Laurent - Bertrand Bonello, le 01/03 à 21h30
- Nocturama - Bertrand Bonello, le 02/03 à 14h30 (suivi d'une masterclass de Bertrand Bonello)
- Quelque chose d'organique - Bertrand Bonello, le 02/03 à 18h30
- Tiresia - Bertrand Bonello, le 03/03 à 17h30
- Zombi Child - Bertrand Bonello, le 03/03 à 20h
- Birth - Jonathan Glazer, le 07/03 à 19h (séance Parlons Cinéma)
- Coma - Bertrand Bonello, le 08/03 à 18h
- Ingrid Caven - Bertrand Bonello, le 08/03 à 20h15
- Programmes de courts-métrages de Bertrand Bonello, le 09/03 à 15h30 puis 17h30

Pour plus d'informations rendez-vous sur le site de la Cinémathèque Française.


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